Voici mon premier Carné. En fait j'appréhendais un peu le réalisme poétique (bien que j'ai déjà vu quelques films du genre) et le cinéma de papa de manière générale. Et pourtant, pendant que Ford et Hawks étaient les rois à Hollywood, en France on avait des Renoir et maintenant je peux dire qu'on avait des Carné. Je pensais que j'avais un problème avec Gabin (ouais je pense avoir beaucoup de problèmes), mais en fait, ce type est brillant, j'adore ses personnes qu'il peut avoir ici ou bien dans Pépé le Moko ou dans La Bête humaine. Ce type qui a fait des choses un peu sales, mais qui est quand même juste et qui tombe amoureux d'une belle fille, mais d'un amour pur, quelque chose de beau, de profond.
Parce que c'est ça le quai des brumes c'est une très belle histoire d'amour, dont on se doute dès les premières minutes qui ne pourra pas se conclure par une fin heureuse. Et c'est beau.
Il faut dire que les répliques de Prévert sont absolument géniales, c'est un régal de les écouter. Et j'aime ce parlé de la vieille France, avec ce ton d'antan, ce ton qu'on ne prend plus, ce vocabulaire que l'on utilise plus de nos jours. Dans la bouche des acteurs ça sort de manière tellement belle et fluide que ça créé un univers, rien que les yeux fermé, sans regarder le film.
Et le film en lui même est assez extraordinaire, très beau. Carné sait filmer, il n'y a pas de doute là dessus, arriver à mettre en valeur un couple comme ça, avec parfois un bête champ contre champ, c'est tellement beau. Parfois le cinéma c'est juste ça, deux acteurs qui jouent bien, une caméra qui ne fait de folies, un bel éclairage, un beau texte, un silence, un baiser.
Je dois dire aussi que j'ai trouvé ce film profondément émouvant sur la fin, et pourtant en général les trucs avec les clébards ça me fait plus rire qu'autre chose, et pourtant là, j'ai trouvé ça déchirant, juste, beau.
Et puis tout ça, ça me donne envie de m'évader, de me promener dans ces brumes, de tomber amoureux au détour d'une rue avec une belle inconnue et d'envisager de faire sa vie ailleurs, loi de tout.