Virgin Efira
A chaque nouveau film de Verhoeven, on se demande ce qu’il peut encore ajouter à ses thèmes de prédilection. Benedetta ne fait pas exception. L’attente était d’autant plus grande que ce nouveau projet sentait le souffre dès le départ et qu’il a été retardé par la pandémie. Nous sommes en Toscane au XVIIème siècle. La jeune Benedetta est confiée par ses riches parents au couvent des Théatines. Il faut dire que la môme serait en communication directe avec la vierge. Plus tard, l’arrivée d’une jeune, jolie et effrontée paysanne va totalement bouleverser Benedetta et la pousser à toujours plus d’excentricité. Cachée derrière une envolée mystique, Benedetta va doucement prendre le contrôle de la communauté et s’opposer aux intérêts des puissants mâles. Bon, ce pitch est volontairement tronqué pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte. Une chose est sûre, on est à 100 % chez Verhoeven. Comme souvent, le personnage féminin est à la fois manipulateur, revanchard et victime du patriarcat. La religion n’est qu’un ensemble de codes de bonne conduite destiné à contrôler socialement la femme et la déposséder de son corps. En réponse, Verhoeven nous présente comme à son habitude de la chair et du sang et toutes les manifestations physiques de la douleur, du plaisir et du besoin. C’est quand Benedetta retrouve son corps qu’elle devient libre. Et c’est son corps qu’on voudra brûler. Quant à la foi, elle est avant tout un instrument de manipulation des crédules. L’Église le sait fort bien et Benedetta prend à son compte les bonnes vieilles méthodes. Donc oui, ça tire à balles réelles. Pour autant, on ne tient pas là un film à thèse, ou du moins, pas que. Car derrière son air de film d’auteur engagé, se cache un bel hommage à un autre cinéma, loin, très loin du tapis rouge de Cannes. Ce filou de Paulo nous a fait un bon vieux film de nunsploitation, genre très masculin, moribond et cradingue des années 1970. En effet, tout les poncifs et les fantasmes y passent de la bonne sœur saphique aux châtiments corporels en passant par le saint godemichet homemade. Du cinéma bis maquillé et déguisé en somme. Du coup, il est logique de trouver dans tout ça de l’outrance voire du kitsch, la pente est glissante et Verhoeven décide de la descendre tout schuss. On trouvera donc quelques références too much au Jeanne D’arc de Besson, à Satanico Pandemonium et surtout aux Diables de Ken Russel dont Bendetta est vraiment très proche. Enfin, on notera l’engagement et la performance de l’ensemble du casting, Efira en tête bien sûr. En bref, un film à ne pas mettre entre toutes les mains mais un vrai moment de cinéma qui fait du bien et qui rassure quant à la capacité du cinéma français de proposer des expériences et de prendre des risques. Une belle réussite !