Troisième long-métrage, "Amanda" sera sans doute le film qui fera connaitre Mikhaël Hers du grand public car il aborde un sujet très sensible sous un point de vue très quotidien : la mort brutale et le deuil des proches face à l'inattendu de la situation. L'émotion est palpable et Vincent Lacoste perce à vif !
David est une jeune adulte qui vit de petits boulots, de magouilles. Très proche de Sandrine, sa soeur ainée, mère célibataire d'une fille de sept ans, ils passent beaucoup de temps ensemble, pour se rendre service essentiellement. Mais rien n'aurait pu laisser présager le destin tragique et soudain de Sandrine, laissant David et sa fille, Amanda, seuls...
"Amanda" rentre dans la catégorie des films actuels qui, par des scènes de la vie quotidienne, réussit à nous happer, nous questionner, nous toucher. Pourtant il n'y a ici ni énigme, ni politique, ni pathos, seulement des êtres comme vous et moi, frappés dans leur vie par un drame imprévisible. Il y a le passé des souvenirs des habitudes, le présent de la douleur du deuil et le futur d'un renouveau possible. Tout est petit et délicat, tendre et juste, sans pousser la larme ni nous effrayer sur notre époque où l'homme s'auto-détruit. David et Amanda, les deux protagonistes principaux, font face et remontent la pente. Pas de psychologie ni de scènes de trop mais un infime souffle d'espoir et de reconstruction qui se profile à l'horizon, même si ce n'est pas sans embûches. Vincent Lacoste, que je ne porte pas haut dans mon estime en tant qu'acteur, signe sans doute son meilleur rôle à ce jour : engagé émotionnellement, extrêmement poreux et convaincant dans des scènes poignantes et subtiles. Impossible de ne pas citer Isaure Multrier, Amanda, qui aborde ses scènes avec un naturel déconcertant, le sourire rempli de souvenirs. Au delà du deuil, c'est une ode à la vie : comment rebondir suite à la perte soudaine d'un être cher ? Comment accepter de rendre possible l'inconcevable ? Le réalisateur touche notre Moi profond sans nous bouleverser, sans en faire trop, mais juste en nous confrontant à un quotidien, différent mais proche du nôtre. C'est dans la pudeur que "Amanda" livre toute sa richesse.
Quand on regarde la bande-annonce du film ou quand on lit son synopsis, son enjeu et son thème principal ne nous sont pas dévoilés. Afin de préserver la choc qui m'a saisi quand je ne m'y attendais pas du tout, ce qui va suivre est à considérer comme un gros spoiler. Je conseille donc aux personnes qui n'ont pas vu le film de s'arrêter là. "Amanda" est aussi l'un des premiers film français à aborder le thème on ne peut plus moderne du deuil des familles suite à un attentat. Ici, le réalisateur a fait le choix d'en inventer un dans le bois de Vincennes et l'irruption de cette scène sanglante au milieu d'un film d'auteur a de quoi vous secouer. En cela, "Amanda" a de l'audace, de l'ingéniosité en délivrant des scènes percutantes entre une jeune fille et son oncle tout juste adulte. Car lorsqu'il y a un attentat, il y a un phénomène de masse effrayant où on en oublie presque la tragédie individuelle provoquée dans chacune des familles des victimes. Ici, le film résonne de façon infaillible. Certes, l'émotion est là mais c'est aussi très solaire et rempli de bonnes ondes, loin de toutes fatalités. Donc oui, la force du sujet m'en fait oublier ses maladresses, le personnage de Stacy Martin pas vraiment essentiel et des scènes parfois trop à l'écoute du silence...