Il était une fois un curieux médecin qui apprit que c’est en aidant les autres qu’on s’aide soi-même. Et pour parvenir à cet apprentissage, il aura fallu faire le deuil d’un amour qui s’est perdu en mer mais qui subsiste à l’état de fantôme lorsque les alliances des deux amants sont réunies dans le creux de la main de celui qui reste, de celui qui trouve dans l’urgence d’une vie royale à sauver l’occasion de renaître de ses cendres et de fonder la famille qui lui était jusque-là interdit d’avoir, une famille aussi numérique que les effets visuels qui la fonde, recomposée mais unie autour de valeurs communes que sont respect, tendresse, entraide et goût pour la science et la découverte. Règne, dans cette nouvelle mouture du docteur Dolittle, une mélancolie amère qui martèle le cœur de son personnage éponyme de la même manière que les vagues viennent se fracasser sur le navire. Cette mélancolie est d’ailleurs une clef pour entrer en contact avec le monde comme le langage du docteur rassemble humains et animaux : c’est elle qui est à l’origine de la querelle avec le roi Rassouli ou avec le dragon, c’est elle qui, parce que partagée par des personnages meurtris, rétablit l’harmonie. D’où cette tension permanente entre l’état dépressif du docteur et la verve burlesque des animaux qui gravitent autour de lui, paradoxalement plus humanisés que lui. Là réside peut-être, en creux, une réflexion sur l’image de synthèse que le film s’efforce de doter de caractéristiques humaines pour mieux exacerber la solitude du protagoniste principal. D’autant plus que les animaux, aussi réussis numériquement qu’ils puissent l’être, ne cachent jamais à l’écran leur facticité : l’artificialité équivaut à celle du récit dans son ensemble, signe d’un recul critique sur la fantaisie ici mise en place qui n’a d’autre fonction que d’émerveiller, de raccorder l’homme à ce fond d’aventure et d’imaginaire qui se cache en lui. Et le film le réussit fort bien : ses séquences épiques, bien que trop charcutées par le montage, fonctionnent et regorgent de trouvailles incroyables ; ses séquences dramatiques, plus brèves et constamment déjouées par une blague – traduction langagière d’un malaise devant la vie qu’on ne peut ni ne veut exprimer –, émeuvent. La très belle partition de Danny Elfman mêle ces deux registres avec une virtuosité qui est la signature du compositeur. Plus proche de l’univers de Babe que de la saga Docteur Dolittle avec Eddie Murphy et consorts, plus respectueux également de l’œuvre originale dont il s’inspire, Le Voyage du docteur Dolittle est une bonne surprise qui rappelle, par moments, ce même goût pour l’aventure teintée de merveilleux et de réflexions philosophiques (ici somme toute basiques) cher aux auteurs Lewis Carroll ou Clive Staples Lewis, en passant par les récits de voyage des grands explorateurs des siècles passés.