Hormis les aventures de Peacemaker en série, "Black Adam" se retrouve finalement seul à représenter le DCEU en 2022 ("The Batman" est à part), avec la lourde charge de maintenir/raviver la flamme autour d'un univers super-héroïque bien trop souvent malmené sur grand écran et, aujourd'hui, en pleine refonte sous l'égide de nouveaux pontes de la Warner. Ici, avec l'aide d'un acteur aussi populaire que Dwayne Johnson en tête d'affiche, motivé comme jamais pour obtenir ce rôle (il est pressenti depuis 2007, soutenu par les fans) et les premières apparitions cinématographiques de membres éminents de la Justice Society of America à ses côtés, il est clair que "Black Adam" a quelques sérieux atouts attractifs dans sa manche pour (au moins) s'imposer comme un véritable succès au box-office et redonner un peu de couleurs à un DCEU qui en a bien besoin avant une année 2023 s'annonçant plus conséquente en longs-métrages (quatre en l'occurence: "Shazam! Fury of Gods", "The Flash", "Blue Beetle" et "Aquaman and the Lost Kingdom", sous réserve d'énièmes reports).
Personnage sans doute assez méconnu du grand public, Black Adam avait très peu de chances d'être adapté en tant que pure et simple version maléfique de Shazam sous les traits d'un Dwayne Johnson, comédien qui, on le sait, tient à préserver une aura positive auprès du public (autant imaginer un opus de "Fast & Furious" se déroulant sur des trottinettes). Dans cette logique, le film choisit de lier étroitement les éléments de son origin story à son cheminement vers le statut d'antihéros qu'il est amené à tenir en tant que protecteur de son pays Kahndaq et, de ce point de vue, "Black Adam" fait le job, disséminant des révélations (basiques) autour des différentes facettes du personnage en parallèle de ses propres questionnements sur son rôle à jouer vis-à-vis des problématiques de ce nouveau monde, surtout quant à la sauvegarde du Kahndaq, contrée présentée comme maintes fois pillée (aujourd'hui par les mercenaires à dominante occidentale de l'Intergang) dans le silence le plus confondant des autorités mondiales... et notamment de la JSA, elle-même mise face à ses contradictions. En cela, l'introduction de Black Adam au sein du DCEU, la mythologie dans laquelle il s'inscrit ("Shazam!"), son évolution et sa confrontation au rôle plus manichéen joué par la JSA se tiennent plutôt bien...
Pour le reste, le film de Jaume Collet-Serra se contente majoritairement de lâcher les chevaux côté action, pour le meilleur et pour le pire, avec une esthétique d'inspiration étonnamment Snyderienne (un peu comme avait pu l'être le premier "Wonder Woman" de Patty Jenkins), où la générosité affichée d'en mettre plein les yeux grâce aux pouvoirs de ses surhommes se heurte parfois à une redondance de ralentis et de fonds verts/CGI à la qualité plus ou moins aléatoire.
Au milieu de ce champ de bataille quasi-permanent où l'humour et les dialogues ne brillent guère, l'arrivée de la JSA se fait forcément dans l'ombre omniprésente du Champion de Khandaq, les développements autour de ses membres restent relativement maigres mais leurs interprètes parviennent à leur donner un minimum d'envergure pendant/entre deux affrontements, à commencer par un Pierce Brosnan judicieucement casté pour le rôle du Dr. Fate, clairement un des piliers du film sur la durée à bien des égards, accompagné par un solide Aldis Hodge en Hawkman et la très jolie Quintessa Swindell en Cyclone (Atom Smasher en équivalent neuneu du Flash de "Justice League" version cinéma est le plus oubliable). Du côté des protagonistes "normaux", on retiendra surtout celui de Sarah Shahi, représentante du peuple local brimé avec son fils... plus agaçant, autant par le parallèle appuyé avec "Shazam!" que sa dynamique avec Black Adam essaie d'instituer, son idéalisme naïf forcé ou son statut attendu de proie facile in fine.
Bref, pendant les trois-quarts de sa durée, on a tendance à être indulgent avec ce "Black Adam", blockbuster super-héroïque pas des plus malins, au déroulement archi-prévisible, mais qui a le mérite de ne pas aller à l'encontre, voire même de satisfaire, le peu d'attentes que l'on pouvait en avoir (le DCEU a tout de même fait bien pire)...
Et puis vient le climax cataclysmique du film. Tellement improbablement foiré qu'il en vient à égaler celui d'un "Suicide Squad" premier nom. Oui, rien que ça.
À partir de la résolution d'une énigme magique ridicule, "Black Adam" sombre dans à peu près toutes les pires voies possibles du "trop" pour un résultat paradoxalement proche au néant. Interminable mais réussissant le tour de force de paraître constamment rushée (le film aurait dû oser une ellipse de quelques semaines ou mois, tout s'enchaîne à la vitesse d'un éclair Shazamesque), perdue dans une surenchère inutile incessante, une démultiplication chaotique de points de vue ou la répétition concrète de platitudes symboliques pourtant déjà exprimées auparavant, la dernière partie du long-métrage se présente comme un vrai cas d'école de dernier acte super-héroïque raté, se fondant juste sur le prétexte d'asseoir définitivement le meilleur de son personnage principal pour partir en roue-libre dans des proportions absolument infernales. Et, même si le rôle qu'il y joue est ce que l'on retiendra le plus de ce chaos final, on ne pardonnera jamais au Dr. Fate de ne pas avoir vu arriver un sale coup pareil pour nous mettre en garde.
Évidemment, une certaine apparition durant le générique de fin parviendra à nous redonner un peu de baume au coeur vis-à-vis de l'avenir du DCEU. Mais, après le sentiment de bérézina laissé par cette dernière demi-heure, c'était limite le minimum que l'on pouvait attendre...