Ahmed a treize ans. Sous l’influence de l’imam du quartier, qui assume le rôle de père de substitution, Ahmed s’est progressivement radicalisé. Il respecte les prescriptions de sa foi : il fait ses ablutions avec un soin scrupuleux, prie cinq fois par jour aux horaires prescrits, apprend les sourates du Coran dans la langue du prophète, refuse de serrer la main impures de Madame Inès (Myriem Akheddiou), l’éducatrice qui le suit depuis l’enfance. Ahmed a un rêve : suivre le chemin de son cousin, qui est allé mourir au djihad.
Une tentative de meurtre – dont on ne dira rien – le conduit en centre fermé. Ahmed y est pris en main par des éducateurs compréhensifs. Abandonnera-t-il son projet mortifère ?
La radicalisation est décidément un sujet à la mode. C’était le thème principal des "Exfiltrés" sorti le 6 mars et de "L’Adieu à la nuit", sur les écrans depuis le 24 avril. Mais cette fois-ci ce sont les frères Dardenne qui en parlent. Et on ne joue plus dans la même division.
Les frères belges comptent en effet parmi les plus grands réalisateurs contemporains. Chacun de leurs films est sélectionné au Festival de Cannes – "Le Jeune Ahmed" y a obtenu hier soir le prix mérité de la mise en scène. Tous font l’événement – même si l’honnêteté oblige à reconnaître que les deux derniers sont un chouïa moins bons que les précédents. Ils font partie, avec Haneke, Loach et Kusturica, du club ultra-fermé des réalisateurs ayant décroché deux fois la Palme d’or : en 1999 avec "Rosetta" et en 2005 avec "L’Enfant". "Le Gamin au vélo" se classe au premier rang de mon Top 10 2011.
Les recettes de cette réussite se retrouvent dans leur neuvième long métrage. Des films brefs sans une once de gras ("Le Jeune Ahmed" dure 1h24, "Le Gamin au vélo" durait 1h27, "Rosetta" 1h30). Des scénarios au cordeau, où chaque élément trouve parfaitement sa place sans pour autant verser dans le minimalisme. Des plans séquence qui ne quittent pas d’un pas leur héros souvent filmé de dos, en mouvement (c’était déjà la marque de fabrique de "Rosetta") et qui ne renoncent jamais à un sens maîtrisé du cadrage. Des histoires simples, naturalistes, qui ont pour cadre la Wallonie des réalisateurs et pour héros des gens de peu aux prises avec une vie difficile : la jeune Rosetta qui se bat contre la misère, Lorna, la prostituée albanaise, Cyril, le « gamin au vélo », bouillonnant de colère, Sandra, l’héroïne de "Deux jours et une nuit", qui doit convaincre ses collègues d’un geste de solidarité… Et surtout, une profonde humanité. C’est le mot qui revient le plus souvent quand on parle du cinéma des frères Dardenne. La corde est pourtant raide sur laquelle leurs films parviennent miraculeusement à se tenir, qui ne versent ni dans le sentimentalisme ni dans la complaisance.
Ce tombereau d’éloges déversé pourquoi ne pas mettre le maximum d’étoiles au Jeune Ahmed ? À cause du choix de son héros. La faute n’incombe pas tant au jeune Idir Ben Addi mais au casting qui aurait dû, selon moi, lui préférer un acteur plus âgé. Le jeune Ahmed est trop… jeune. Il a encore les traits poupins de l’enfance, la maladresse de ses gestes. On ne l’imagine pas en dangereux terroriste sur la voie du djihad. On ne l’imagine pas non plus s’éveiller aux élans de l’amour au contact de la jolie Louise (Victoria Bluck). Aurait-il eu deux ans de plus, le héros aurait été plus crédible.