On retrouve dans ce film l'écriture des frères Dardenne, nerveuse, près des corps. On retrouve également leur humanité, leur vision d'une société capable de solidarité. La partie n'était pas gagnée avec cet adolescent buté, enfermé dans son radicalisme, sans grâce. La réaction normale serait d'être exaspéré, sans patience devant lui. C'est cette réaction "normale" que dynamitent les cinéastes. Car autour de cet ado exaspérant sûr de détenir la vérité divine qu'on lui a inculquée, prêt à tuer une "apostat" et obéir ainsi à des injonctions sacrées, autour de ce jeune insupportable comme peuvent l'être les ados, on trouve des gens ouverts, à l'écoute, respectueux, désireux de l'aider. On ne sait pas dans le détail les raisons de l'évolution du jeune Ahmed, et c'est une qualité du film que de ne pas rendre tout compréhensible alors que l'irrationnel du radicalisme ne peut se limiter à une étude logique. Influencé par un imam qui a déjà envoyé son cousin au "martyr", Ahmed décide de tuer Inès, la jeune enseignante qui l'a aidé depuis des années et a fait de lui un bon élève. C'est son but, son idée fixe. Après une première tentative qui lui vaut l'internement dans une structure chargée de le remettre dans la réalité, il pratique la dissimulation autorisée quand il s'agit de servir les intérêts divins. Il devient un apprenti modèle dans la ferme où il est accueilli et où il se lave les mains après que la chienne, impure l'a touché. La jeune Luce n'est pas insensible à cet adolescent étrange et elle veut l'embrasser. Quand elle lui fait cette demande, Ahmed sourit. C'est le seul sourire du film. Un sourire qui éclaire son visage et lui rend sa grâce juvénile. Mais c'est une illusion. Ce sourire n'est pas un sourire de vie, c'est un sourire de rejet, la moquerie et le dédain mêlés pour une "femme" impure" qui imagine qu'on peut comme ça, sans s'être converti, toucher un homme pur, voué à servir Dieu.
La fin du film est bouleversante. Alors qu'il est venu après s'être échappé, tuer la jeune enseignante, il fait une chute qui le laisse sur le sol, souffrant, incapable de bouger. Dans une scène qui prend son temps et nous montre les efforts du garçon pour bouger centimètre à centimètre, il redevient petit enfant et appelle sa mère qu'il avait rejetée parce qu'elle était selon lui alcoolique. On le voit sortir de sa poche le tenon qu'il avait descellé pour tuer Inès et frapper contre la barrière pour appeler au secours...