Le sous-marin rouge du cinéma français. Godard tel qu'en lui-même, ou presque, la mauvaise foi faite homme, perdu et contestataire, brillant et cynique. Le redoutable est une adaptation fidèle de l'excellent livre d'Anne Wiazemsky (Un an après), son actrice de La chinoise et sa compagne de l'époque, avant, pendant et un peu après mai 68. Enfin, fidèle pour les situations et les circonstances, mais totalement différent dans la tonalité. Au regard d'Anne, rétrospectif et mélancolique, se mêle celui d'Hazanavicius, subjectif, irrévérencieux, malicieux et indulgent, en fin de compte, pour les contradictions d'un cinéaste et d'un homme qui prétendit se révolutionner lui-même, fuyant les laudateurs et cherchant des formes nouvelles, en sous-marin, donc. Le film pastiche avec aisance certaines trouvailles du cinéma de Godard, plusieurs scènes sont irrésistibles y compris quand elles font dans l'humour potache ou la récurrence de gags (les lunettes brisées). L'exercice est ludique, ne se prend pas fondamentalement au sérieux. Pris comme une blague, Le redoutable est séduisant, il l'est un peu moins quand il insiste trop sur les failles d'un personnage qui en rajoutait dans le narcissisme et la victimisation. Stacy Martin, stoïque, correspond assez à l'idée que l'on se fait d'Anne Wiazemsky dans cette période, amoureuse, complice mais de plus en plus perturbée par le comportement souvent radical de son compagnon. Louis Garrel, on le sait désormais, est un fabuleux acteur comique. Il s'est glissé dans le costume godardien avec aplomb et humilité, dans le mimétisme plus que dans l'imitation. Que pourrait penser l'ermite suisse du film ? S'il a conservé un peu son sens de l'humour, il devrait apprécier l'hommage, car c'en est un, mine de rien, même biscornu, mais il est peu probable qu'il se donne la peine de donner son avis. Au fond, Godard a toujours été un mystère, y compris pour lui-même. Ainsi va la vie, à bord du Redoutable.