(...) Le brave Michel se paie même une idole cannoise, présente le tout là-bas et se mange encore une opprobre assez violente. Il faut dire que le bougre a offert à JLG un enterrement 1ère classe, signant un portrait au vitriol agrémenté d'arsenic, de ciguë et d'acide sulfurique, le tout tiré avec un bazooka. Et une fois le cadavre de sa victime éparpillé façon puzzle, il en a collecté les morceaux, les a brûlé au lance-flammes et il a dispersé les cendres aux quatre vents. Alors, pourquoi tant de haine ? Tel qu'il est décrit dans le film, on est face à ce que l'on pourrait pudiquement appeler un gros c****. Vaniteux, égocentrique, macho, couard, soumis intellectuellement à Jean-Pierre Gorin, hésitant, bavard mais creux, insultant, méprisant, bref, un type fort peu admirable. Le but recherché par Hazanavicius justement. Il y a dans la liste, un trait de caractère de Godard, bel et bien avéré, qui n'est pas cité plus haut. JLG est un authentique antisémite, et Hazanavicius est juif. Il ne faut chercher plus loin la raison du mépris affiché par ce dernier envers son aîné. Dans une scène édifiante, Godard proclame donc devant l'assemblée des étudiants en pleine révolte, que le vrai problème du monde actuel, c'est Israël et sa gestion du dossier palestinien, et que les Juifs d'hier sont devenus les Nazis d'aujourd'hui. Le point de bascule du personnage, et du film, est là. Avant, Godard est un cinéaste qui doute, qui participe aux manifs, qui débite des méchancetés, mais qui reste un minimum fréquentable. Après cette scène, il y a déjà un effet de style visuel (l'image passe en mode "négatif") avant que Godard ne bascule définitivement vers un personnage froid et irrécupérable. Hazanavicius a réussi son coup. (...) Même si Godard peut se sentir flatté d'être interprété par Louis Garrel, icône du cinéma d'auteur bobo, par ailleurs excellent dans le rôle, et qui fait lui aussi partie d'une certaine aristocratie du cinéma français (fils du célèbre réalisateur bobo Philippe Garrel, lui aussi issu du courant de la Nouvelle Vague). En face, on retrouve une jeune actrice, qui avait débutée dans le diptyque "Nymphomaniac" de Lars van Trier, Stacy Martin, qui est donc régulièrement courte vêtue, voire pas du tout. Toutefois, sa prestation est très bonne là encore. Le reste du casting est très réussi, avec comme toujours Bérénice Béjo, dans un rôle de gardien moral. Au niveau mise en scène, Hazanavicius s'inscrit encore dans un cinéma référentiel, comme dans "The Artist" donc, mais aussi ses deux volets d'OSS 117 ou encore son film culte à tout jamais, "La classe américaine". Image granuleuse, plans fixes, travellings latéraux, chapitrage, il signe un travail soigné, qui manque parfois un peu de subtilité, mais qui reste très agréable, avec un bon sens du rythme. Le film n'est jamais ennuyeux, il alterne bien les moments drôles et les moments plus graves, s'offrant quelques petits plaisirs ou bien, parfois, quelques fulgurances, comme ce travelling qui suit les personnages et qui dévoile peu à peu un slogan soixante-huitard qui devient plus important, et plus pertinent, que les vaines paroles de son protagoniste. La critique complète sur thisismymovies-overblog.com