Bon… Mouaif… Euh… « Encore ? » j’ai envie de dire… Encore un film qui n’existe que pour mettre en images le grand idéal moral défendu aujourd’hui par la haute société ? Encore un film fainéant qui cite et récite plus qu’il n’invente ou qu’il n’incarne ? Encore un film qui se fond totalement dans le moule des Kechiche / Dolan / Dardenne qu’on connait tous par cœur ?… Moi, j’avoue, ce cinéma là, il me désole ! Et je m’excuse par avance si de tels propos pourront en choquer quelques-uns. Mon propos ne consiste pas à remettre en cause l’importance de la lutte contre le SIDA, tout comme il n’invite pas à minimiser l’importance de mouvements associatifs et militants comme Act-Up. Non, moi je questionne juste la finalité du produit qu’on a là. Parce que bon, de deux choses l'une. Soit le film se veut militant ce qui explique sa forme très didactique où chaque dialogue n'existe que pour t'expliquer quelque-chose. Mais dans ce cas pourquoi avoir choisi une forme qui l’assure dès le départ de n’être vu que par un petit sérail déjà convaincu à l’avance ? Ou alors, oui, le film assume le fait d'être un spectacle réservé à une population ciblée, souvent bien instruite de la situation, mais dans ce cas-là, je me demande quel peut être l'intérêt à ne se servir de ses personnages que pour leur faire lire des pages Wikipedia ? Non mais sérieux ?! Ne pourrait-on pas faire l'effort d'inventer quelque-chose qui ne se REDUISE pas au seul sujet du film ? Moi, je trouve qu'un regard social porte beaucoup plus dans une œuvre quand il est porté par des personnages qui incarnent autre chose que le sujet lui-même. Dans « Good Morning England », « Slumdog Milionaire » ou bien encore « La Cité de Dieu », le contexte social a finalement plus d'ampleur quand il vient impacter le parcours des personnages ! Ça marche tellement mieux ! Mais bon, seulement, pour faire ça, eh bah il faut être créatif. Très créatif. Et pour moi c'est là que ce « 120 BPM » est une faillite totale, au point de me faire totalement enrager ! Moi j'en ai ma claque de ces personnages qui ne sont que des déclinaisons de discours ou de posture. Le personnage de Sean en est à lui seul une bien triste illustration ! OK, Nahuel Perez Biscayat donne tout ce qu'il a pour apporter de l'épaisseur à son personnage, mais si on le prend du début jusqu'à la fin, il ne fait que dérouler du discours et rien d'autre ! Il dit pourquoi il a agi ainsi, ensuite il dit ce qu'il ressent, ce qu'il prend comme médocs, pourquoi et comment il a contracté la maladie, qui il juge responsable... STOP ! Mais ça - et c'est horrible à dire - c'est de l'écriture de débutant ! Même dans les options cinéma de collège et de lycée dans lesquelles j'ai bossé on interdit ça ! D'ailleurs c'est marrant, ils sont bien rares les élèves qui veulent se risquer là-dedans... Pourquoi ? Bah tout simplement parce que c'est plat ! Parce que ce n'est pas créatif ! Parce que ce n'est pas jouissif à faire et ce n'est pas jouissif à regarder ! Alors après, s'il y en a qui s'y retrouvent, encore une fois « Tant mieux pour eux ! » C'est juste que moi, je n'aime pas ce cinéma-sujet là et que j'estime avoir le droit de le dire aussi ! Et je ne suis pas sûr que davantage de formalisme ne nuise tant que ça aux adorateurs de cinéma-sujet. Parce qu'au fond, est-ce si intéressant que cela d'adopter une image bien crade pour que ça fasse plus réel ?.Est-on seulement sûr qu'en adoptant les codes d'un documentaire fauché ça fasse plus réel ? Moi je dis non, ça fait juste plus documentaire fauché... C'est tout ! Est-ce que c'est vraiment rendre hommage à Act-Up et à leurs militants que de diluer leur histoire dans un schéma aussi répétitif que : scène de discussion – mise en place de l’action – moment détente en boîte – scène de discussion – mise en place de l’action – moment de détente en boîte – etc…? Il y en a vraiment qui pensent que oui ? Et ces scènes de sexe interminables ! Quel intérêt franchement ! Moi quand je vois ça, j'ai l'impression que le réalisateur ne cherche qu'une seule chose : qu'on se dise « wouh qu’est-ce que c’est transgressif ! » Non mais franchement ça ce n'est pas les gars ! Un tel niveau de cynisme artistique, et en plus une fois de plus récompensé par Cannes ! Non mais oh ! Il va leur falloir combien de temps pour qu’ils se rendent compte que c’est mort ! Qu’on les a grillés ! Qu'on aimerait bien que lors de ces fêtes sensées être dédiées au cinéma on puisse enfin reparler un petit peu de technique, d'audace, d'expériences sensitives et non devoir se manger à chaque fois une bonne grosse leçon de moralité ! Alors le pire, c'est qu'en le prenant à lui seul ce « 120 BPM », on peut clairement lui trouver des qualités. Oui, les acteurs sont investis. Oui, on essaye de nous transmettre quelque-chose de fort. Tout ça je ne le renie pas. Mais un film ne se prend jamais seul. Il est une pièce supplémentaire qui dialogue avec tout ce qui s'est fait avant et en même temps que lui. Or, moi, quand je vois ce « 120 BPM » débarquer après tous les autres soit-disant chefs d’œuvre estampés « cause militante bon-chic-bon-genre », eh bah je fais juste mon overdose ! Au bout d'un moment, il faudrait peut-être se demander ce qu'on cherche dans le cinéma. Certains viennent y chercher de la sensibilisation comme c'est visiblement le cas des adorateurs de ce « 120 BPM » (grand bien leur fasse), moi je viens y chercher du sens. Je viens y chercher de l'expérience sensorielle. Je viens y chercher de la subtilité d'écriture. Alors après, OK, à chacun son cinéma (et moi ça me va cette posture là), mais pendant que d'un côté on remplit les salles de blockbusters US et que de l'autre on décide de saturer ce qu'il reste avec ces produits cannois là, à la fin il ne reste plus grand-chose pour toutes ces petites pépites que moi j'adore et qui ne trouvent pas de distributeurs. Alors oui, je mets « zéro étoile » et j'assume. Après tout, je le fais bien pour tous ces blockbusters US décérébrés qui ne font pas l'effort de requestionner leurs codes, alors je ne vois pas pourquoi je me priverais de le faire pour tous ces produits moralisants qui se plaisent à faire autant de pieds de nez aux arts de filmer. Parce qu'après tout, un film ne se prend jamais seul. Un film, ça se prend dans un contexte. Et là, clairement, l'effet d'accumulation m’écœure ! La mécanique cinématographique qui explique et nourrit à la fois ce genre de film m’écœure ! Donc pitié ! Redonnons un petit de sens aux choses ! Réapprenons à explorer les multiples possibilités qu'offre cet art ! Et incitons ces auteurs à renouer avec ce qui fait la belle complexité du cinéma...