Radin ! offre à Dany Boon un rôle surprenant : habitué aux grimaces et aux jérémiades, l’acteur affiche ici un visage grave et maladif qui incarne parfaitement le vice représenté. Tour à tour anémique et survolté, cassant et mutique, il rappelle le ridicule gorgé de pathétique de l’Harpagon de Molière. Aussi l’avarice ne donne-t-elle lieu qu’à un saupoudrage comique, lors de quelques scènes destinées à rassurer le public amateur de grimaces et de jérémiades ; le réalisateur privilégie la froideur et l’isolement de son personnage qui, mis au contact d’autrui, éprouve une grande souffrance. Là réside l’intérêt certain du long métrage : représenter la générosité comme une douleur, et ainsi invalider les concepts essentiels d’amitié, de solidarité et de famille. La photographie soignée de Laurent Dailland, alliée aux décors et aux costumes, inscrit François dans un environnement qui soit lui ressemble soit déteint sur lui – en témoigne la lumière jaunâtre intérieure. Fred Cavayé nous invite également à dépasser les idées reçues, à ne pas nous contenter des apparences : derrière la radinerie se cachent, peut-être, un humanitarisme caché, un sens du partage qui, à l’heure des réseaux sociaux et de la mise en scène de soi, ne dit pas son nom.
Nous reprocherons néanmoins un recours abusif aux clichés mélodramatiques, notamment ce chantage à la santé derrière lequel se cachait pourtant une idée intéressante – divulguer la maladie comme le père divulgue ses actions humanitaires. Le bégaiement tonal, entre comique et dramatique, empêche également le film d’avoir une ligne directrice : une impression de louvoiement scénaristique s’installe entre la rive du divertissement pur et celle de la marche intérieure d’un avare qui, par le mensonge, parvient à corriger son vice et s’accomplir en tant qu’homme et père.