Je ne vois pas beaucoup de films roumains (euphémisme) : je me demande même si ce n'est pas le tout premier pour ce qui reste une expérience très, très mitigée. Plutôt apprécié au Festival de Cannes (ce qui n'était déjà pas forcément bon signe), Cristian Mungiu peut compter sur un bon scénario, posant pas mal de questions très intéressantes sur le devoir, la culpabilité, l'engagement, le tout sur fond de grande pauvreté d'un pays en crise, où tout espoir semble être parti depuis longtemps. Le réalisateur a le sens du cadre, du détail insolite pour rendre certains plans étonnants, sachant créer une angoisse sourde à travers ces différentes agressions invisibles dont est victime le héros. Mais bon sang, comment peut-on être obsédé par le réel au point de le pousser à un tel niveau. À côté, les frères Dardenne, c'est Christopher Nolan. Quel ennui ! Difficile de faire plus rébarbatif que ces plans longs, très longs, très, très longs que l'on étire sur plusieurs minutes, où l'on prend bien soin de commencer la scène au moment où le personnage entre dans la pièce (voire le couloir) et de la finir lorsque celui-ci la quitte, et c'est comme ça TOUT le film. Certes, ce qui s'y raconte n'est pas inintéressant, mais ça reste très démonstratif et inévitablement répétitif dans les conversations et les sujets qui y sont abordés, virant presque à la caricature de cinéma d'auteur. Aucun mouvement de caméra ou presque : ah ça, pour y croire, on y croit ! Cela doit-il tout justifier ? J'avoue en douter fortement. Heureusement, cela s'accélère (un peu, n'exagérons rien!) dans la dernière ligne droite, ne jugeant toutefois pas utile de répondre à beaucoup d'interrogations lancées jusque-là, à l'image d'une fin un peu trop ouverte. Et l'interprétation est superbe, le quatuor Adrian Titieni - Maria-Victoria Dragus - Lia Bugnar - Malina Manovici faisant preuve d'une sensibilité, d'une émotion que l'on a plus beaucoup l'habitude de voir. Un beau projet, doté de qualités évidentes, mais s'enfermant tellement dans sa logique de « réalisme forcené » qu'il écrase presque toute émotion, incapable de trancher dans le vif alors que 80 minutes auraient sans doute été largement suffisantes pour raconter cette histoire.