Auréolé à Cannes du prix de la mise en scène (ex-aequo avec ''Personnal Shopper''), ''Baccalauréat'' semble confirmer l'émergence d'un cinéma roumain. Salué par une grande partie de la presse, le film conforte Mungiu comme grand réalisateur dont la réputation a été établie par sa palme d'or ''4 mois, 3 semaines, 2 jours''. C'est en sachant tout ceci que je me rendais, le cœur plein d'espoir, au cinéma pour découvrir mon premier film roumain (il faut bien un début à tout). Et la déception est de taille.
Pourtant l'idée de base est assez passionnante : Roméo Aldéa, médecin, vit dans une Roumanie morne et triste. En voyant ce qu'est ce pays, Roméo est prêt à tout pour voir sa fille, Eliza, excellente élève, quitter ce pays. C'est (presque) chose faite puisqu' Eliza, si elle parvient à obtenir 18/20, pourra intégrer une importante école étrangère. Mais un matin, en se rendant au lycée, Eliza est agressé, ce qui réduit ses chances d'obtenir la note requise. Roméo va devoir renoncer à ses principes dont l'honnêteté pour donner une chance à sa fille de partir. Dans le film, on trouve deux idées assez intrigantes : la première est celle de l'obsession du père qui veut à tout prix voir sa fille quitter la Roumanie. Roméo est capable de tout. Ce qui amène la deuxième idée : montrer un homme intègre et honnête basculer dans une forme de corruption et renoncer à sa morale dans le but de sauver sa fille. Mais la manière de traiter le sujet est plus importante que le sujet en lui-même.
Les gros problèmes du film se situent au niveau du scénario et de la réalisation. Côté scénario, le didactisme plane trop souvent sur le film de Mungiu qui finit par être franchement théorique. Certains critiques ont parlé de théorème et d'implacabilité, ce qui n'est pas faux. Sans cesse on a la désagréable impression de recevoir une leçon, sans cesse Mungiu théorise, jamais le film est incarné. En fait la scène d'ouverture résume bien ma pensée : une pierre fracasse la fenêtre du salon. On devine évidemment (car ce n'est pas vraiment finaud) que ce petit incident annonce les malheurs à venir. Le film traite aussi de la corruption : on espérait un traitement original. Et non, la corruption en Roumanie se déroule de la même manière que partout ailleurs (on use de sous-entendus, on parle de ''services''...). Ajoutez à cela une totale absence d'humour qui aurait été la bienvenue pour faire passer la tisane du drame. Un humour qui avait au moins le mérite d'exister dans le palmé d'or ''Moi Daniel Blake'' (Ken Loach) ce qui compensait la lourdeur du drame. Pas ici, l'auteur se prend terriblement au sérieux. Mais le pire reste encore ce qui fut précisément salué à Cannes : la mise en scène. Certes, il est impossible d'apporter un jugement définitif sur la qualité filmique de ''Baccalauréat'' (qui plaît aux critiques) mais je dois reconnaître ma répugnance à voir cette caméra à l'épaule, toujours tremblotante, jamais stable. Ce procédé finit par fatiguer le spectateur et on serait tenté de le qualifier de brouillon et de laid. Comment expliquer ce prix de la mise en scène ? Soit (ce qui est mon cas) on rejette cette façon de filmer, soit on est captivé par les mouvements (volontairement) incertains. De toute façon, le film ne méritait pas ce prix car cette manière de filmer est aujourd'hui un parti pris banal (merci les Frères Dardenne). Souvenons nous du prix de la mise en scène à Cannes en 2015 : ''The Assassin''. Si le film n'était pas un chef-d'oeuvre de Hou Hsiao-Hsien, il n'en restait pas moins sublime du point de vue de la réalisation.
Confirmant ce que je craignais (que Cannes privilégie le politique au cinéma) ''Baccalauréat'' est marqué par son didactisme et sa faiblesse (laideur?) de mise en scène. Au fond, quand on sort de la salle de cinéma, on se rend compte à quel point tout ceci est banal et si peu original. Or, on devrait être plus surpris en découvrant ce monde roumain, gris et déprimant. Surpris comme je le fus en découvrant ''Le Décalogue'' de Kieslowski (1988). L'histoire du film de Mungiu aurait très bien pu rejoindre les contes moraux du réalisateur polonais.