J’ai beaucoup de choses à dire sur le film. Le grand point noir pour moi étant les erreurs historiques. Qui m’ont rendue malade et dont personne ne parle. Mais commençons par le début: le film est très long à regarder, j’ai jeté plusieurs fois un coup d’oeil à ma montre, de base j’ai pas trouvé l’intrigue si prenante que ça. Ça m’a rappelé les disputes de filles au lycée. Et il est vulgaire, personnellement les accès de vulgarité déplacés des personnages m’ont plusieurs fois sortie du film. Beaucoup de choix de mise en scène m’ont également étonnée, l’utilisation abusive des fish-eye et des travellings par exemple. La musique est parfois très crispante. Pour le casting, rien à dire, les trois actrices principales jouent leur rôle à la perfection, Emma Stone en intriguante de salon impeccable.
Maintenant, mon souci, et j’ai l’impression d’être littéralement la seule à faire la remarque, c’est pour ça que je rédige cet avis... c’est que c’est faux. Alors peut être que tout le monde s’en fout, des films historiques approximatifs mixés à la sauce anti-royaliste américaine , Hollywood ne fait que ça, et a priori ça fait des années que ça va à tout le monde. Mais là c’est juste que Lánthimos a complètement réécrit les personnages et pas mal d’évènements pour créer une intrigue.
Le film apparaît basé sur les mémoires de la comtesse de Marlborough. Sauf que depuis la deuxième partie du XXeme siècle, on s’est rendu compte que cette comtesse, qui était pas contente d’être virée de la Cour, a fait exprès de dépeindre la reine Anne de façon peu reluisante (c’est le moins que l’on puisse dire) pour se venger d’elle dans la postérité. Elle faisait écrire des pamphlets haineux sur sa laideur, son obésité, et sur sa prétendue homosexualité avec sa nouvelle femme de chambre (Abigail en l’occurence). Sauf que: globalement tous les historiens s’accordent pour dire que c’est de la diffamation. La reine Anne était une femme de caractère, qui a régné 12 ans, elle était travailleuse et elle a maintenu tout le long de son règne un bel équilibre des pouvoirs, c’est elle qui a permis l’unification de l’Angleterre et l’Écosse sous le drapeau Grande Bretagne. Et elle était assez populaire auprès de son peuple, car elle succédait à son père et sa sœur Mary ( son mari Guillaume) catholiques en tant que fervente anglicane, et les anglais aimaient ça. Elle s’occupait des affaires de son pays et elle était assidue avec les réunions du gouvernement, etc. La seule chose vraie: elle avait des problèmes de santé qui la rendaient souvent indisposée, et le gouvernement pèse de ce fait de plus en plus lourd dans la balance. Ce n’était pas du tout une cinglée dépressive qui joue à la dînette avec ses lapins remplaçant ses enfants morts-nés (elle a effectivement été enceinte dix-sept fois, dont 12 fausses-couches, et le plus vieux de ses enfants a vécu 11ans).
À citer également: à l’époque où Lady Sarah perd la cote: le mari de la reine Anne Georges du Danemark est encore parfaitement vivant. Et, malheur, c’est un couple uni et à priori fidèle (zut). La reine étant une fervente croyante, les historiens s’accordent pour dire qu’elle donnait beaucoup à son mariage, et que les soupçons d’homosexualité sont surtout basés sur les médisances de la comtesse de Marlborough dans ses mémoires, qui sont globalement un tas de calomnies vengeresses.
Bref sinon: la disgrâce de Lady Sarah a commencé dès le début du règne de la reine Anne (1702) pas avec l’arrivée d’Abigail (qui était d’ailleurs là depuis le début de son règne aussi). Pourquoi? Pour cause de divergences politiques. La reine et Sarah, qui sont amies d’enfance, ne soutenaient pas les mêmes partis (c’était déjà le même principe de système bipartiste sauf qu’à l’époque c’était les Tories et les Whigs). Sarah mettait tout le temps la pression à la reine pour qu’elle place les ministres qu’elle voulait, et comme la reine n’était pas une pauvre folle influençable, ça l’agaçait beaucoup qu’on lui dise quoi faire. Dès 1704, Anne dira à un de ces conseillers qu’elle ne pourrait plus être vraiment amie avec Sarah. Et à cette époque Abigail n’est pas encore dans les bonnes grâces de la reine.
Par la suite, dans un laps de temps s’étirant sur plusieurs années, Abigail supplante Sarah, en tant que femme de chambre puis comme gardienne de la bourse privée en 1710 (donc on voit que l’intrigue se déroule sur une décennie quasiment, et qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre la disgrâce de Lady Sarah qui sera renvoyée de la cour en 1710, et la présence d’Abigail. Sarah s’est débrouillée toute seule pour se mettre la reine à dos, par exemple en lui disant publiquement de se taire sur le parvis de Saint Paul). Et je reviens sur le fait que pendant quasiment tout ce temps-là, le mari d’Anne était bien vivant.
Je ne parlerai même pas du fait que la guerre de Succession d’Espagne a été transformée en France VS Angleterre parce que c’est sûrement la seule chose que les américains ont retenu sur les conflits européens de cette époque.
Comprenez bien: si historiquement, les personnages sont des affreux, malhonnêtes ou fous, qu’ils soient retranscrits comme tels! Mais réécrire l’Histoire, les personnages, la temporalité des événements, et
ajouter une touche d’homosexualité parce que ça fait bien aujourd’hui, surtout quand on veut être oscarisable (des personnages historiques gays, y en a plein, pourquoi ne pas faire un film sur eux?
)... tout cela pour créer une intrigue qui n’a jamais existé entre des personnages dix fois plus odieux et bêtes que ce qu’ils n’étaient dans la réalité, moi je dis non.
C’est le tableau des monarchies que les scénaristes et réalisateurs faisant des films « historiques » dressent de manière récurrente, et moi ça m’agace. Parce que les gens croient voir un film basé sur des faits historiques, et on les abuse. Après, chacun a le droit de ne pas s’arrêter sur les erreurs et les approximations. Mais quand tout le scénario est basé dessus, j’estime qu’il est temps de rétablir quelques vérité.
Personnellement, je ne trouve pas que ce soit un film de femmes fortes, encore moins un film féministe. Le film essaie de faire passer un message contemporain (et donc anachronique) dans ses scènes. Le « girl empowerment » est représenté par une femme (Sarah) autoritaire et dominatrice qui passe son temps à rabaisser son amie fragile psychologiquement en la critiquant voire en l’insultant pour l’isoler dans son coin et diriger à sa place, et par une femme (Abigail) qui
drague à coups de pied dans les testicules mais qui en fin de compte couche quand même pour réussir
. La troisième personnage féminin est faible, dominée, et allumée. Je ne trouve pas que ce film rende justice à la complexité de la psychologie féminine, tous les personnages étant grossiers, caricaturaux et vulgaires (personnages masculins compris
Merci à ceux qui liront jusqu’au bout et bonne journée à vous.