M. Night Shyamalan revient de loin. Après avoir perdu l'estime de la critique et des spectateurs après Signs pour lentement tomber dans le déclin artistique, il avait opéré un retour sympathique en 2015 avec son The Visit. Un found foutage par moments audacieux mais pas très innovant qui avait au moins le mérite de divertir, chose que le cinéaste ne parvenait plus à faire depuis un certain temps. Mais cette longue période de disgrâce semble vraiment lui avoir permis de remettre son cinéma en cause, et les restrictions budgétaires qu'il subit, lui permettent de revenir à l'essence de son art. Donc avec ce Split, il doit confirmer sa renaissance entraperçue avec son précédent film. Et pour ça, Shyamalan n'y vas pas par quatre chemins et met toute les chances de son côté.
Cette assurance, car le cinéaste à très conscience de ses effets, est un peu ce qui fait le vrai défaut du film. Comme pour ses précédentes œuvres, le travail sur la révélation et la manière d'entretenir le mystère est beaucoup trop structuré pour ne laisser entrevoir autre chose qu'une certaine froideur. Son meilleur film, Unbreakable, était le seul à éviter cela car mu par une sobriété et une sensibilité surprenante, s'imposant comme une des réflexions les plus intéressantes sur le super-héros. Ici, Split est un film qui fonctionne aussi avec une révélation. Même si on ne parle pas vraiment de twist et que cela n'a pas de vrai incidence sur l'histoire, on sent la volonté de créer un choc et de capitaliser un maximum sur ce choc, alors que le film arrivait parfaitement à vivre sans. Donc cet élément est aussi excitant pour ce qu'il représente dans la filmographie de son cinéaste, que particulièrement maladroit au sein même du film. Sans trop en révéler, il faut reconnaître qu'il y a une certaine logique derrière cet élément final qui apparaît évident une fois qu'on y réfléchit un peu. Les réflexions autour des personnages, surtout Kevin et ses personnalités et Casey, une des jeunes filles kidnappées, le développement de ceux-ci ainsi que le titre en lui-même font que cet élément soit d'une cohérence parfaite, apparaissant même comme un choix couillu. Dommage qu'il n'ait pas été introduit avec plus de subtilité.
L'absence de subtilité est ce qui posera le plus de problème avec le scénario d'ailleurs. Que ce soit les flashbacks autour du personnage de Casey, l'explication du trauma de Kevin, certains dialogues et certaines situations, etc. Tout ces éléments manquent de finesse et paraissent par moments vraiment grossiers dans leur exploitation. Comme la manière d'amener les différentes personnalités de Kevin, qui se montre mécanique et qui fait un peu trop défilé dans sa présentation, où les personnalités vont se présenter tour à tour. Après le film à la bon goût de ne pas utiliser tout les personnalités de Kevin, ce qui aurait pu se montrer redondant et en limitant les personnages, on parvient mieux à les identifier et à s'attacher à eux. Surtout qu'ils sont servis à merveille par la prestation hallucinante de James McAvoy. Tout les acteurs sont très bons, notamment Anya Taylor-Joy qui confirme être une jeune actrice à suivre de près ou Betty Buckley qui est très attachante dans le rôle de la psy de Kevin. Mais c'est vraiment le tour de force incroyable de McAvoy qui marque les esprits et mérite à lui seul le coup d’œil. Il navigue entre les personnages avec une aisance folle et sans jamais tomber dans la surenchère ou le cabotinage. Misant un minimum sur le costume, il fait le pari de la sobriété physique au profit d'une profondeur psychologique vertigineuse. Ses tics du visage, différents pour chaque personnages, ainsi que sa posture et sa voix il se métamorphose avec grâce parfois même au sein d'un même plan. On reste admiratif devant le travail accomplit par l'acteur qui est tel que l'on parvient à s'imaginer le physique des personnages au delà du sien. Comme si on parvenait à voir les personnages comme eux se voient, un exploit proprement fascinant. La virtuosité étant atteint lors d'une danse particulièrement drôle où l'on ne voit pas McAvoy jouer un enfant de 9 ans danser mais bel et bien un enfant de 9 ans qui danse. Brillant.
L'acteur est bel et bien la fulgurance de ce film qui sans lui, aussi maîtrisé et solide aurait-il été, se serait trouvé être plus classique et attendu. L'intrigue use de ressorts horrifiques assez courants et ne surprend au final que très peu en elle-même. Elle à au moins le mérite d'être particulièrement efficace dans son approche. Elle plonge directement dans le vif du sujet et va droit au but, évitant toute digressions ou éléments qui aurait pu faire traîner le récit en longueur. Cette concision est admirable et fait toute la force du film. Surtout que M. Night Shyamalan applique aussi cela à sa mise en scène, qui brille par sa sobriété et son élégance. On pourra peut être regretté un montage un peu aléatoire dans sa manière de jongler entre les deux arc principaux de l'histoire ainsi qu'une photographie pas très inspirée pour un Shyamalan. Mais l'emballage sonore lui est par contre impeccable et le réalisateur n'a rien perdu de sa précision chirurgicale. Il utilise avec habilité l'économie de moyen pour accentuer l'aspect purement horrifique de certaines images. En ça, le climax aurait pu facilement tomber dans la surenchère visuelle un brin ridicule mais garde une pudeur cathartique plus marquante. La fin est une des séquences d'horreur la plus réussie de ses dernières années et prouve que le cinéaste à retrouvé toute sa superbe.
Split est un thriller horrifique assez classique au final, mais qui parvient à sortir du lot grâce à un sens de la mise en scène raffiné et à la prouesse artistique formidable d'un acteur au sommet de son art. Deux fulgurances qui tire le film vers le haut malgré ses nombreux défauts, car même si Shyamalan signe son meilleur film depuis Unbreakable, il traîne encore quelques tares inhérentes à son style. Un récit trop mécanique, un travail du mystère qui évapore toute émotions et une conscience de ses effets qui les rend par moments bien trop tapes à l’œil. Donc même si le cinéaste opère un retour confirmé vers un cinéma de qualité et qu'il parvient allègrement à divertir tout en apportant des réflexions intéressantes, on est loin d'être face à une oeuvre majeure. Split doit d'ailleurs plus à la géniale performance de son acteur principal qui donne une plus-value non négligeable à l'ensemble, qu'à la patte même de son auteur. Donc plus que de marquer le retour de Shyamalan, Split intronise surtout James McAvoy comme un des meilleurs acteurs que le cinéma n'a jamais porté, sur ça, le doute n'est plus permis.