Sept films… Pour moi, M. Night Shyamalan, c’est la grosse baffe du « Sixième sens » en 1999 et puis… et puis sept films. Sept gâchis. Sept loupés. Avec parfois de très belles catastrophes (Pour moi la palme du pire, c’est clairement « Phénomènes »)… Et puis l’an dernier il y a eu « The Visit » Sobre, efficace, malin. Pas une révolution mais un film plus posé, plus équilibré. Un film qui marchait quoi… Et franchement, je n’osais y croire. Parce que oui, moi je ne fais pas forcément partie des fans de Shyamalan ou bien encore de ses « haters ». Je n’ai jamais vraiment attendu de lui qu’il reproduise la baffe du « Sixième sens », j’attendais juste de lui qu’il fasse des films qui tiennent la route… Or, moi, j’ai vraiment l’impression que ce gars a été obnubilé par le fantôme de ce succès-là, d’abord en se fourvoyant dans des films bancals qui étaient pollués par le schéma de « Sixième sens » (dont « Incassable », qui est pour moi son plus gros gâchis tant l’idée initiale était géniale), puis en allant se perdre dans des films de commandes douteux comme « Le dernier maître de l’air » ou « After Earth »… Il a donc fallu sept films pour que Shyamalan ressorte de sa dépression cinématographique. Sept films pour qu’il repose des bases modestes dans « The Visit » dans un premier temps, puis pour qu’il se risque à nouveau dans une fable personnelle avec talent et intelligence. Parce que oui, pour moi, ce « Split », c’est avant tout ça : c’est une certaine renaissance de Shyamalan en tant qu’auteur qui maitrise son sujet et qui est susceptible de construire un univers qui lui est propre… Alors c’est vrai, ça fait beaucoup de lignes de posées avant de parler de film à proprement dit, mais pour moi, cette précision, elle est juste indispensable pour comprendre le plaisir que j’ai pu retirer de ce film. Parce que oui, moi à la base, je pense que j’ai été comme pas mal de personnes en allant voir ce « Split » : j’y suis surtout allé par curiosité pour la performance proposée par James McAvoy et dans l’espoir de voir un thriller efficace. Limite, initialement, la présence de Shyamalan à la réalisation ne m’a parlé que très secondairement. Je me souviens même que je m’étais justement dit : « pas de panique ! Son dernier film c’était « The Visit ». Ce mec a visiblement retrouvé une certaine sérénité. Il maitrise les codes depuis le début… Il va y arriver… Il va en faire un film sympa à voir… » Mais bon, franchement : je ne pensais pas qu’il y arriverait aussi bien. Parce que l’air de rien, pour moi, ce « Split » est un très bon équilibre entre sobriété, respect des codes, et ce petit brun de folie shyamalesque qui en fait tout le sel… Et ce qui est fort je trouve, c’est que le film avance ses pions dans cet ordre : sobriété d’abord, puis montée en puissance dans respect des codes, et enfin le final avec sa petite touche shyamalesque. Il fonctionne un peu comme une fusée à étages ; une fusée qui sait nous séduire avec douceur au départ pour mieux nous plonger progressivement et efficacement dans son trip. Et c’est d’ailleurs pour cela que je me suis permis de vous gonfler avec ton mon paragraphe introductif sur Shyamalan ! C’est parce que je trouve que, même pour qui ne connait pas l’univers de l’auteur, on peut quand-même grandement profiter de son film – y voir un thriller efficace et sympa – et malgré tout se poser des questions sur ce que cherche à mettre en place l’auteur par sa résolution d’intrigue (
et notamment son plan final
) ce qui ne fera pas de mal… Mais pour qui connait l’auteur et son univers, cette résolution d’intrigue, mais c’est juste un vrai plaisir tant les ramifications qu’opère l’auteur avec ce qu’il a fait de mieux sont jouissives. En gros, ce n’est pas compliqué, quand j’ai vu la manière dont évoluait l’intrigue, je me suis dit que Shyamalan reprenait le fil de là où il avait commencé à égarer, c’est-à-dire pour moi à partir
d’ « Incassable ». (Et d’ailleurs, autant le lien final opéré avec « l’homme aux os de verre » aurait pu me gonfler si ce « Splité » avait mal été fichu et s’était trop reposé là-dessus, autant là, je trouve que ça a été la cerise sur le gâteau !)
Alors du coup c’est vrai, me concernant, ça ferait presque passer la performance de McAvoy au second plan. Mais franchement ce n’est pas plus mal et c’est presque bon signe concernant l’équilibre de l’œuvre. Après tout, McAvoy est loin d’être le seul à mériter des félicitations niveau interprétation. Pour le coup, ses deux principales donneuses de répliques que sont Anya Taylor-Joy et surtout Betty Buckley sont vraiment au niveau et, à eux-trois, ils ont vraiment su se mettre au service de la démarche globale du film. Parce que oui, au final c’est ça moi que je retiendrais de ce « Split ». C’est cette capacité qu’a eu Shyamalan à réussir – à nouveau – à poser un univers ; à poser une idée ; à réimposer un postulat original qu’il avait déjà tenté d’imposer par le passé mais à l’époque avec moins de succès. Pour le coup je trouve que rien n’est laissé au hasard. L’œuvre coulisse toute seule en partant de ce qu’on attend d’elle pour arriver vers ce qu’elle entend nous proposer. Les éléments annonciateurs sont posés au bon moment, suffisamment tôt, plus repris suffisamment régulièrement pour que le spectateur se prépare à ça. Et au final c’est ça qui fait que pour moi c’est banco. Certes, il y a toujours ce côté « Setup and Payoff » que beaucoup reprochent à Shyamalan parce que ça peut rendre ses intrigues un peu trop mécaniques, mais, perso, pour moi, c’est ce qui fait aussi qu’on a l’impression de regarder un film réalisé par un auteur rigoureux. Or, pour le coup, non seulement moi je trouve ce « Split » rigoureux, mais en plus je le trouve osé. Je trouve même d’ailleurs que cet équilibre audace / sagesse, je ne l’avais pas retrouvé chez Shyamalan depuis… eh bah depuis « Le sixième sens » justement… Franchement, le retour d’un auteur comme ça, moi je dis : ça fait quand même du bien…