De temps en temps, vous aimez bien rire au cinéma? Moi aussi! Malheureusement, le visionnage des aventures de Dany Dubosc ou de Frank Boon me donne plutôt envie de sangloter.... Enfin, pour une fois, j'ai ri au cinéma! Merci, Armando Iannucci!
En plus, La mort de Staline peut presque être recommandé aux jeunes sur le plan historique. Car, s'il y a quelques distorsions de la réalité (je vais donner deux exemples évidents pour m'en débarrasser: on a l'impression dans le film que l'élimination de Beria a suivi immédiatement la mort de Staline, alors qu'il s'est en fait écoulé un trimestre entre les deux événements; par ailleurs on ne sait pas exactement, vous pensez bien que c'était top secret, combien de personnes ont succombé -étouffées, piétinées- au moment des obsèques du dictateur), le climat au sein du Politburo est magnifiquement décrit, et c'est un bonheur de voir revivre tous ces vieux crocodiles....
Steve Buscemi en Krouchtchev affairé comme un hamster sous amphétamines tient là le plus grand rôle d'une carrière qui pourtant n'en manque pas! [Les anciens se souviennent de l'épisode, plus ou moins enjolivé, de Krouchtchev enlevant sa chaussure pour frapper son pupitre à l'assemblée des Nations Unies.....] Mais Simon Russell Beale que l'on connait bien moins car c'est plutôt un acteur de théâtre compose aussi magnifiquement un Beria inquiétant et lubrique, arrogant, manipulateur, (trop) sûr de lui.... Si ces deux là ne se partagent pas le prochain Oscar du meilleur acteur, c'est à désespérer du cinéma.... On a bien remis récemment un Oscar à un cabotin rembourré aux silicones; Buscemi n'a pas besoin de "ressembler" à Krouchtchev pour l'incarner à notre plus grand bonheur.
C'est bien la lutte entre ces deux sauriens que nous narre le film. Beria se croit tout puissant. Il sait tout sur tout. Il a des dossiers sur tout le monde, au point que même Staline finit par avoir peur de lui.... En plus il a été le premier sur les lieux, et a pu rafler ce qui l'intéressait. Intouchable, vous dis-je! Oui, mais..... Krouchtchev est plus malin! Bon, Nikita finira dix ans plus tard par se faire niquer en douceur par Brejnev, mais ceci est une autre histoire. On ne peut pas être plus malin tout le temps....
Le film commence par un épisode que tout le monde connait bien: comment Staline est resté une nuit étendu dans sa chambre, mort, ou peut être juste agonisant -on ne le saura jamais- parce qu'il donnait une telle trouille à tout le monde, que personne n'a osé intervenir.... Jusqu'à ce que la Politburo débarque (sanglotant, se frappant la poitrine, tombant à genoux de désespoir devant la dépouille du cher grand frère de l'humanité) et se mette d'accord pour régler les affaires. Un médecin? Oui, mais lequel? Tous ceux qui étaient bons sont au Goulag, accusés d'avoir participé au "complot des blouses blanches".....
Dans ce Guignol's band, vous apprécierez aussi Malenkov (Jeffrey Tambor), successeur désigné par les statuts et qui est présenté ici comme un parfait crétin, raide dans son corset et sous sa chevelure collée par la brillantine, qui semble tout comprendre avec un quart d'heure de retard, et Molotov (Michael Palin), ah, le brave homme! qui pour sauver sa tête (mais il restait encore le suivant sur la liste), avait chargé sa propre femme, envoyée au Goulag pour intelligence avec des forces hostiles au régime.... Sans oublier le fils Staline, Vasily (Rupert Friend), présenté comme un alcoolique totalement ingérable; et comme les hasards de la distribution lui ont prêté la tête d'Edwy Plenel, il nous fait encore plus rire.... Et le héros de Stalingrad, le général Joukov (Jason Isaacs), joli garçon flambard et pétaradant, certainement fort éloigné de la réalité...
Allez y parce que c'est très très drôle. Et aussi parce que, même s'il ne faut pas tout prendre pour argent comptant, loin de là! c'est quand même une caricature de l'histoire énorme mais d'autant plus géniale qu'elle flirte constamment avec la réalité.