Ce film retraçant la mort de celui qu’on appelait « petit père des peuples » et qui fut l’un des tyrans les plus implacables de l’histoire de l’humanité, un homme ayant cumulé les crimes les plus monstrueux et ayant instauré un régime des plus terrifiants, ce film s’inspire d’une bande dessinée de Fabien Nury et Thierry Robin. Autant dire que, même si l’on a affaire à la fin d’un monstre et à la guerre de succession qui en découle, le ton choisi pour la réalisation du film oscille sans cesse entre le drame le plus épouvantable et la comédie grinçante. C’est ce qui fait l’intérêt mais aussi la limite d’un tel film. L’histoire est ubuesque mais on ne peut pas ne pas frémir en songeant à ce qu’elle implique du point de vue des souffrances humaines.
Qu’il y ait un aspect grotesque dans la mort d’un tyran et dans les conflits de succession qui en découlent, le film le souligne d’un trait presque trop appuyé, au point que les personnages deviennent archétypaux, un peu comme des figures de théâtre , chacune ayant la tâche d’incarner un trait de caractère. Beria, Khrouchtchev, Molotov, Malenkov, etc. : tous ces sinistres individus deviennent ici comme des pantins grotesques qui s’agitent autour d’un cadavre en essayant de profiter de l’événement pour tirer la couverture à soi et s’emparer du pouvoir.
Le film met en scène les moments les plus étonnants de ce jeu de pouvoir à la fois risible et terrifiant.
Dès le début, on est sidéré de voir dans quelles conditions meurt le tyran Staline. Ayant appris qu’un concert avait lieu dans une salle prestigieuse de Moscou, il demande à en écouter l’enregistrement. Affolement du côté des organisateurs du concert, car, quand ils sont mis au courant du souhait du dictateur, le spectacle est achevé et la salle est déjà à moitié vide. La conséquence, c’est qu’il faut aussitôt refaire le concert, remplir la salle en obligeant des passants à occuper les sièges libres, afin de pouvoir l’enregistrer dans des conditions réelles et satisfaire Staline. Or, c’est en découvrant une lettre écrite par la concertiste et glissée dans le paquet contenant l’enregistrement que le tyran est pris d’une attaque cérébrale qui entraîne sa mort, les deux gardes de faction devant sa porte n’osant intervenir sans avoir reçu d’ordre.
Ces scènes, à elles seules, donnent le ton du film en soulignant l’aspect ubuesque de l’appétit de pouvoir et les corruptions effroyables qui en découlent. Il faut d’ailleurs savoir qu’en Russie, même aujourd’hui, du côté gouvernemental, on n’apprécie guère une telle réalisation. Deux jours avant la sortie prévue de ce film en Russie, le ministre de la culture en a décidé l’interdiction sous prétexte qu’il s’agit d’une « raillerie insultante envers le passé soviétique ». Dans le pays de Vladimir Poutine, dès qu’il est question des tenants du pouvoir, y compris de ceux du passé, on a vite fait de s’inquiéter au point de mettre en œuvre la censure. 7/10