C'est incontestable, depuis un troisième opus qui a fait repartir la saga sur de bons rails, les "Mission Impossible" sont devenus la meilleure franchise de blockbusters d'action US, surpassant l'ensemble de ses rivales qui pouvaient prétendre à ce titre si convoité. Mais, à la sortie de chaque nouvel épisode, une question revient inlassablement : comment vont-ils pouvoir surpasser le précédent ? En effet, chaque film semble atteindre un tel firmament de scènes impressionnantes qu'il devient presque impossible de pouvoir en imaginer de nouvelles pouvant les dépasser. Et, pourtant, à chaque fois, le miracle se produit à l'écran : chaque nouvel épisode réussit le pari fou de surclasser son prédécesseur en termes d'action et de séquences absolument folles où Tom Cruise se démène comme un diable dans des cascades de plus en plus spectaculaires. Une nouvelle fois réalisé par Christopher McQuarrie, "Fallout" ne faillit pas à la règle et fait passer les morceaux de bravoure de "Rogue Nation" (Ethan Hunt collé à un avion en plein décollage, l'attentat à Vienne ou encore la poursuite en moto au Maroc) pour un parcours d'obstacles destiné à des petits chatons à trois pattes.
Avec l'arrestation de Solomon Lane, Ethan Hunt pensait en avoir fini avec le Syndicat, cette nation dissidente composée d'ex-agents prêts à tout pour établir un nouvel ordre mondial à coups d'exterminations de masse. Pas de bol, les anciens membres, devenus désormais les Apôtres, continuent leurs activités anarchistes sous l'égide d'un nouveau venu, John Lark, et préparent trois bombes nucléaires en guise de feu d'artifice final ! Flanqué d'un agent de CIA, August Walker (Henry Cavill), chargé de le surveiller, Ethan se rend à Paris pour tenter d'intercepter Lark avant qu'il ne parvienne à mettre la main sur le plutonium nécessaire à ses plans funestes...
Au niveau de l'intrigue, "Fallout" se présente comme une suite très directe de "Rogue Nation" (les personnages de Rebecca Ferguson et Sean Harris y ont à nouveau une place prépondérante) mais aussi, quelque part, comme une sorte d'épisode ultime à la fois par le fait de mettre ses personnages réellement dans l'urgence d'un danger de mort (on a vraiment le sentiment que tout le monde peut y passer cette fois comme en témoigne l'ouverture à Berlin) et en prenant la forme d'une sorte de pot-pourri de tout ce qui a fait la solidité scénaristique de la saga. Évidemment, sur un plan global, on nage en terrain plus que familier, les balises habituelles de "Mission Impossible" sont bel et bien présentes avec les changements de pays en fonction de retournements de veste parfois prévisibles et le tout va s'acheminer à empêcher une nouvelle fois une explosion nucléaire dantesque dans les dernières minutes mais l'essentiel n'est pas là. L'habileté de ce nouveau film réside avant tout dans les stratagèmes mis en place par une nébuleuse de personnages poursuivant chacun leur propre objectif en orbite autour des piliers formés par Ethan Hunt et son équipe qui vont tout faire pour les contrecarrer avec une ingéniosité jamais avarde de mini-twists. Rarement un "Mission Impossible" n'aura fait s'affronter autant d'intérêts personnels antagonistes pour chercher à faire naître la surprise de leurs interactions et élargir toujours plus le champ d'une intrigue dont on croit pourtant connaître tous les ressorts. Ajoutez à cela une dimension émotionnelle non négligeable apportée par les jolis yeux embués du personnage de Rebecca Ferguson (encore meilleure que dans le précédent) sur celui d'Ethan Hunt dont elle découvre peu à peu l'humanité et les failles ou l'opposition virile inédite entre Hunt et August Walker, une sorte de miroir juvénile et brutal du héros, et vous obtiendrez sans aucun doute un des épisodes de la franchise qui fourmille le plus de propositions nouvelles dans un cadre et une formule pourtant bien établis.
Bien entendu, impossible de ne pas aborder les séquences d'action toutes aussi démentes les unes que les autres. Après un début étonnamment calme préférant installer les évènements à venir, l'arrivée tonitruante de Hunt à Paris pour une grande partie du film marque enfin le début des hostilités ! D'une scène incroyable de baston aux toilettes à la folle course-poursuite dans les rues de la capitale pour ne citer qu'elles, l'excursion française de l'agent Hunt prend de sérieux airs de sommet de la franchise toute entière avec une véritable générosité à tirer profit de toutes les spécificités que lui offre le decorum parisien ! Un vrai régal qui nous laisse à peine le temps de respirer avant de nous envoyer gambader sur les toits londoniens dans une course contre la montre haletante où l'on reconnait sans mal la scène qui a valu une cheville brisée à Tom Cruise.
Seul petit hic, aux trois quarts de sa durée, "Fallout" connaît un petit temps mort avant de se lancer dans son dernier acte qui nous fait réaliser son imposante durée (2h30, le plus long de la saga) mais, comme pour s'en faire pardonner, ce sixième film nous offre tout simplement la dernière partie la plus démentielle que l'on ait vu dans un "Mission Impossible" avec notamment une poursuite en hélicoptères qui restera dans les annales du genre, rien que ça.
"Fallout" est un modèle de ce que peut nous offrir de mieux le cinéma d'action américain. Ni plus, ni moins. Et autant par cette faculté à renouveler les ingrédients qui composent sa formule bien connue pour une offre à chaque fois différente que par sa capacité à repousser les limites du spectaculaire devenu sa marque de fabrique. "Comme d'habitude." nous dira Ethan Hunt. Oui, comme d'habitude, Ethan, et avec la manière qui plus est ! Vivement le septième !