En 22 ans et 6 films, la saga Mission: Impossible aura connu bien des mutations. Etant partie d'une série très ancré dans les années 60/70 (même le revival de celle-ci dans la fin des années 80 gardait sa touche vieillote), elle a su évoluer au fil des épisodes pour essayer d'être dans le top de ce qui se faisant dans son époque. Elle aura pourtant mis du temps à trouver son rythme de croisière, qui après une première "trilogie" inégale, à vraiment su s'imposer comme une franchise dans l'air du temps avec l'opus Ghost Protocol. N'ayant jamais gardé deux fois le même réalisateur, et explorant des styles et ambiances différentes à chaque opus, Fallout vient faire office d'exception dans la saga car non seulement il fait directement suite à Rogue Nation en terme d'histoire mais en plus on retrouve Christopher McQuarrie derrière la caméra et au scénario. Un point qui se montre d'autant plus rassurant, Rogue Nation est un des meilleurs opus de Mission: Impossible, qu'inquiétant car il peut possiblement casser la singularité de la série et offrir un épisode sous forme de répétition.
Heureusement ce ne sera pas le cas, McQuarrie s'éloigne ici de l'élégance et la légèreté du précédent épisode pour signer un opus beaucoup plus sombre et brut. On retrouve ici le cinéaste derrière le premier Jack Reacher qui assène un cinéma beaucoup plus violent et brutal dans un scénario au accent désespéré parfois même proche de l'apocalyptique. Fallout s'impose ainsi comme la fin d'une ère, même si il ne clôture pas la franchise, il vient clairement refermé le chapitre initié il y a plus de 20 ans par le film de Brian De Palma. Sur son intrigue et son ambiance, il est un peu comme le best of ultime de la saga qui vient offrir un point final mais aussi une manière de replacer son héros dans le contexte actuel et d'éventuellement ouvrir une porte sur l'avenir. Il renvoi d'une manière ou d'une autre à chacun des films qui l'a précédé et parvient quand même à développer sa propre identité, plus grave et tragique. Un constat qui frappe dès la première scène, vision d'une fin qui hante son héros. Sur sa symbolique, Fallout se montre souvent passionnant dans sa façon d'interroger le statut de son protagoniste mais aussi de la star qui l'incarne. Même si on regrette qu'il ne tente jamais vraiment d'égratigner son image, le laissant parfois de manière un peu grosse sur son image de chevalier blanc, il n'a jamais autant sembler accuser son âge. Une idole vieillissante en proie à une relève plus agressive et performante. L'acteur comme le personnage n'ont jamais autant paru sur le fil, prêt à céder à chaque instant. D'où l'intelligence de le confronter à une figure comme Henry Cavill, l'antithèse parfaite de ce qu'est Cruise.
Les deux acteurs s'en donnent d'ailleurs à cœur joie, Henry Cavill s'amuse très clairement à rejoindre cette bande et s'impose par sa stature et son charisme naturel. Tom Cruise lui reste dans sa zone de confort mais apporte un semblant d'humanité et d'épaisseur à son personnage et tient sa partition à merveille, surtout dans des prouesses physiques assez hallucinantes. Ils sont tout les deux accompagnés d'un casting exemplaire mais ici légèrement plus mis de côté. Alors que Rogue Nation était plus un opus d'équipe, celui-ci se recentre très nettement autour d'Ethan Hunt. Rebecca Ferguson (malheureusement sous exploitée après Rogue Nation), Simon Pegg et Ving Rhames sont bons mais reste dans une position plus appuyée de sidekicks. Ce sera d'ailleurs un peu le défaut de l'écriture de ce Fallout. Même si il se montre pertinent et vraiment admirable dans sa façon de continuer l'arc narratif de Hunt, les autres personnages ne sont pas tous logé à la même enseigne. Benji et Luther n'ont pas évolués depuis un certain temps et reste les atouts comiques de la bande mais Ilsa est clairement forcée dans l'intrigue par un prétexte et n'y trouve jamais vraiment sa place étant au final réduite en love interest de Hunt, chose qu'elle avait évitée dans le précédent, et le personnage de Cavill se voit lui aussi assez décevant sur certains points. Pas assez mis en avant, et surtout trop souvent tourné en ridicule malgré sa stature, il rejoint les rangs peu flatteurs des antagonistes manquant d'envergure de Hunt. Il y a quand même du mieux sur ce point mais on aurait pu espérer un affrontement plus mémorable entre cette figure du passé et celle de demain.
C'est finalement ce qui gênera, cette volonté symbolique qui ne s'incarne jamais complètement à travers la narration. Sinon le scénario s'avère des plus efficaces, même si les rebondissement s'avèrent pour la plupart prévisibles et use d'un ressort éculé de la franchise (le jeu des masques), l'histoire renvoie habilement à celle du premier lors de moments clés et offre même un jeu de quatrième mur issue de la scène d'intro du 1 qui fait ici pleinement son effet. Le récit accouche ici et là de quelques bonnes surprises, évite tout manichéisme et joue avec brio la carte de l'efficacité et de l'intelligence, permettant d'offrir un divertissement de haute volée sans pour autant prendre son spectateur pour acquis. Et cela se transcende surtout dans la réalisation absolument folle de ce Fallout. Christopher McQuarrie ne se refuse aucun excès avec une mise en scène bien plus percutante qui aligne les scènes d'actions spectaculaires à un rythme qui ne freine jamais mais qui en plus va livrer les cascades les plus impressionnantes de la franchise. Une façon pour Tom Cruise de donner tous ce qu'il a dans des scènes de hautes voltiges tournées avec un minimum de trucages numériques. Des séquences ébouriffantes et à couper le souffle dont on en avait pas vu de tel depuis le Mad Max Fury Road en 2015. McQuarrie retrouve son approche plus viscéral de Jack Reacher, notamment avec une photographie plus sombre et stylisée, est brille lors des scènes de courses poursuites et offre sans doute le climax le plus mémorables de la saga.
Mission: Impossible - Fallout est un monument du cinéma d'action. Dans une époque où les blockbusters se tournent de plus en plus vers le tout numérique, voir de tel élan de résistance favorisant une approche à la fois old school et résolument moderne fait office de vent de fraîcheur. S'imposant à coups de cascades jamais vues et exécutées de manière la plus réaliste possible, Fallout s'impose comme un divertissement hyper spectaculaire et virtuose qui place de nouveaux standards pour le cinéma grand public. Thématiquement riche, savamment construit et brillamment mis en scène, le film décroche souvent la mâchoire et coupe le souffle quand bien même il accuse encore ici et là des petites faiblesses scénaristiques. Il reste solidement écrit et surtout bien interprété ainsi que suffisamment dense et définitif pour s'imposer comme le meilleur opus de la saga. Il aura fallu attendre 22 ans pour voir enfin l'épisode de De Palma être détrôné, et avec ce Mission: Impossible - Fallout, c'est mission accomplie pour Christopher McQuarrie. Un nouveau domaine d'excellence.