Un film qui n’est pas complètement classable : polar nihiliste, drame psychologique, fable noire…. Un peu de tout cela à la fois. Difficile de trouver un « rangement » certain pour telle œuvre.
Ce qui est certain c’est que le film de Tom Ford un voyage d’où personne n’en sortira indemne.
Susan, une quadragénaire qui dirige une galerie d’art glamour à Los Angeles, mène une existence qui a l’apparence d’un rêve : un mariage parfait, une magnifique maison sur les collines de la Ville des Anges, une vie professionnelle exaltante. Naturellement il ne s’agit que d’une illusion, puisque cette perfection n’est qu’un miroir qui cache son vide existentiel et un malheur profond. Dans la réalité, Susan n’est que trop consciente d’avoir raté sa vie avec un mariage désormais au terminus et des sacrifices qui lui ont tout simplement couté le bonheur. Un jour elle reçoit un colis de Edward, son ex-mari, un écrivain avec qui elle a été mariée 20 ans auparavant et qui a voulu couper tout contact avec elle ; il lui envoi roman (au titre de « animaux nocturnes ») qui lui a été dédicacé.
Susan, intriguée, en commence la lecture et nous nous trouvons devant l’histoire violente d’une famille qui se fait attaquer par des délinquants sur une route déserte du Texas et de la descente aux enfers du héros pour obtenir justice. Susan, bouleversée par le livre, décide de réagir ou du moins de se donner encore une chance de bonheur en essayant de revoir (et peut être de se reconnecter à ) son ex.
Tom Ford nous livre une œuvre esthétiquement impeccable, servie comme sur du papier glace : chaque photogramme pourrait faire office de pub pour une bouteille d’essence de santal à 450€ le centilitre. Mais bizarrement, tel traitement presque obsessif de l’image ne fait que sublimer le sens de solitude et de perte de chaque personnage du film. Chacun mène un combat solitaire, désespéré : qui pour regagner le bonheur, qui pour obtenir justice, qui simplement pour fuir à l’idée d’ordre.
Le récit se déroule sur trois lignes narratives parallèles : la vie de Susan au présent, l’histoire de Tony dans le livre et le flashback de l’histoire d’amour entre Susan et Edward. Chaque histoire est racontée par fragments qui s’entrecoupent entre eux et si tel procédé ralentit quelques peu le rythme, de l’autre côté il ne banalise jamais l’histoire qui, autrement, pourrait résulter trop conventionnelle. N’étant pas fan des récits non-linéaires, j’avoue qu’ici tel expédient n’a pas trop mal marché.
Un autre point intéressant est représenté par les métaphores surtout sur l’art qui est vue à la fois comme véhicule de vengeance, un besoin de rédemption ou comme moyen pour faire arriver aux autres la souffrance de la perte et l’incapacité du pardon, ce qui résume le sens du roman.
Le casting a été bien choisi, à partir de la glaciale Amy Adams, qui livre ses états d’âme avec une mesure que je ne lui connaissais pas, en passant par Jake Gyllenhaal qui joue un double rôle sur un double registre, jusqu’au flippant Aaron Taylor-Johnson, gagnant d’un Golden Globe plus que mérité.