Et voilà qu’au final j’attribue trois étoiles à ce « Kubo »… Or, ces trois étoiles, elles cachent vraiment plein de sentiments contradictoires me concernant. Bah oui, parce que l’air de rien, pendant tout le film, je n’ai jamais réussi à me défaire d’une drôle d’impression ; comme si ce que je ressentais face à ce « Kubo » n’était qu’un étrange mélange d’apathie et de frustration. Plus d’une fois, durant la projection, je me suis demandé qu’elle pouvait être la raison de sensations aussi ambivalentes. Pendant un long moment je me suis dit que l’apathie venait certainement du fait que l’histoire et l’univers que ce « Kubo » me proposaient étaient finalement bien fades et sans idée, et que la frustration n’était qu’une réaction face aux quelques fulgurances créatrices auxquelles le film se risquait quelques fois. Parce que oui, c’est vrai qu’il est riche de belles trouvailles visuelles ce monde médiéval japonais que nous offre « Kubo » : je pense notamment à l’usage des origamis, le concept et le visuel des sœurs vengeresses, l’univers parfois dark instauré avec beaucoup de style… Mais bon, seulement voilà, au-delà de cette belle ornementation, le fond est un peu creux et l’histoire m’a donné l’impression de tourner à vide. Qu’elle est au fond bien banale cette quête initiatique proposée, mais surtout – pire encore – que les personnages qui l’animent sont lisses ! Ah ça ! Qu’il s’agisse de Kubo, de la mère, du singe, du scarabée : je n’ai été pris d’aucune empathie pour aucun ! Le pire c’est qu’ils parlent tous beaucoup pour ne rien dire. Les phases de dévoilement de l’intrigue sont mal amenées ; le rythme est pour moi bien trop lent sur l’ensemble des deux premiers tiers ; et l’enchaînement de ces petites blagues sensées désamorcer régulièrement les situations anxiogènes laminent par leur niaiserie des dialogues déjà pas super bien ajustés. Bref, même si c’était joli, pendant un bon moment, je me suis dit que ce n’était clairement pas suffisant pour que la magie opère me concernant. Pour moi, la forme doit être au service de l’histoire. Ou au minimum l’histoire doit être au diapason de la forme. Or, là, ça n’a clairement pas été le cas… Enfin… Pas le cas, jusqu’au dernier tiers. Parce que oui, avec le dernier tiers, mon regard a fini par évoluer sur cette œuvre. Je disais qu’au départ j’avais perçu ce « Kubo » comme un film à l’histoire et à l’univers bien fades mais dans lesquels étaient parvenus à surnager quelques belles fulgurances formelles. En fait non. Avec ce dernier tiers je me suis en fait dit qu’en fin de compte, non, l’histoire et l’univers n’étaient pas si fades que ça. En fait, ils étaient même plutôt riches, audacieux et disposant d’une réelle personnalité discursive et formelle. (
L’idée de l’enfant qui redécouvre finalement ses parents en complétant cette histoire qui était là leur, et qu’il parvienne à nouer une relation plus ou moins métaphorique au travers des amulettes, sorts, mythes laissés par eux, je trouve ça particulièrement bien foutu. De même, traiter ainsi des questions de deuils et de transmission, oser créer de la confusion dans des valeurs pourtant d’habitude sacralisées comme peut l’être la famille, tout cela ce sont des concepts assez originaux et décalés qui, pour le coup colle bien à l’univers formel proposé.
) Au final, l’œuvre se révèle même assez originale dans son ton et cohérente dans son univers, ce qui me surprend même étant donné le goût d’inachevé qu’elle me laisse à l’esprit. Non, en fait le vrai problème de « Kubo » c’est que c’est un film dont les bonnes idées sont noyés dans une écriture vraiment médiocre. Il y a dans l’écriture de ce film tout un marasme de clichés et de stéréotypes qui n’ont rien à foutre là. Et voilà notamment que les studios Laïka nous ressortent une fois de plus un scénario de jeu-vidéo, fait d’accumulation d’épreuves sans véritable dynamique. S’ajoute à cela des résolutions assez mécaniques, la plupart du temps dépourvues de véritable logique (
Kubo qui est sauvé des fonds marins par les flèches du scarabée c’est quand même un peu fort de roquefort… Des flèches tirées sous l’eau ? Sérieux ? Et pourquoi lui, le scarabée, il ne se fait pas hypnotiser quand ils voient les yeux sous-marins ?... Il est immunisé ? Si c’est le cas, comment ça se fait qu’il n’a pas su foutre la main sur le plastron sans souci ? Il a fait quoi pendant ses dix minutes passées sous l’eau ? D’ailleurs, sa nature de scarabée le rend aussi champion d’apnée ? Et pareil pour Kubo soit dit en passant ? A moins que ce soit le plastron qui lui permette de respirer sous l’eau ? Enfin, à considérer que le plastron, la lame et le heaume servent à quelque-chose, parce qu’on les a un petit peu cherché durant tout le film pour qu’au final ce soit son youkulele qui lui permette de lutter contre Dark Papy ! Non mais c’est fou comment ce film semble se foutre lui-même de sa propre histoire !
) Mais le pire dans toute cette écriture reste sûrement l’incroyable erreur de casting concernant le personnage principal. Que ce soit dans son character design que dans son attitude et ses postures, Kubo est juste une application standard du banal cliché du petit-garçon héros de film pour enfant. Il est lisse. Il n’évolue pas. Au mieux il ne transmet rien, au pire il est tête à claque avec son sentimentalisme à deux balles ou bien avec sa manière exaspérante de se la péter. Un tel personnage dans un tel univers manque de singularité et de subtilité. , On ne peut pas faire pleinement décoller un univers atypique avec des personnages typiques. Ça devrait être une règle inscrit sur le fronton de ce studio qui, pourtant, à su exceller par le passé avec le magnifique « Coraline » (dont le personnage principal d’ailleurs était la parfaite antithèse de Kubo, comme quoi…) Bref, c’est vraiment chiant pour le coup que ce film soit si mal écrit, parce que, me concernant, c’est clairement ça qui a bridé mon plaisir, même sur la fin. Discours pas clairs ; volonté d’instaurer des ambigüités qui sautent dans la minute qui suit ; pistes amorcées mais finalement non conclues… Ah ça ! Ça me frustre ! Et ça me frustre d’autant plus qu’il y a vraiment du bon à tirer de ce film. Avec tout le matériau qu’il y avait là-dedans, il y avait vraiment moyen de faire quelque-chose qui me fasse décoller au firmament ! Bon après, ça ne retire pas à ce « Kubo » que malgré tout, il a su me prodiguer bon-an-mal-an, un certain plaisir. Donc voilà, « Kubo » pourquoi pas… Mais surtout à condition de savoir faire le tri. Vous voilà prévenus…