Un film présentant l’ambiguïté, le bien, le mal, la foi, la folie, le Diable et le malentendu, que demandons-nous de plus, pauvres mortels que nous sommes?
Enfin, "pauvres mortels", façon de parler pour dire que je me met à votre place. Evidemment. Tous le monde sait que je suis un être venu tout droit de l'Enfer, plus besoin de le répéter, d'ailleurs, je me demande pourquoi je le répète.
Le film a de quoi dérouter, pouvant être amené à créer le même trouble dans nos esprits que dans ceux des personnages. Que suis-je censé cerner des intentions du film? L'oeuvre se limite t-elle dans une avancée apparemment sans but ou laisse-telle une place à ce qui se trouve hors de notre portée et qui que ce soit sur la forme ou le fond aurait un poids à faire valoir de par une intervention que lui conférerait Robert Eggers?
Je pense que c'est le point sur lequel j'ai le plus réfléchi concernant le film. Et au final je dirai que selon moi la deuxième proposition est bonne, car en accord et en harmonie avec tout ce que le réalisateur tente dans son approche.
Peu de choses sont en effet sûres dans The Witch. Qu'est-ce qui est l'effet du Malin et qu'est-ce qui ne l'est pas? Qu'est-ce qui résulte de la folie? Qu'est-ce qui consume tout ces êtres? La religion? L'hystérie collective? La bêtise? La volonté de Dieu? Du Diable? La confusion? Le pêché? La crainte? Le doute?
Si on peut se poser toute ces questions, c'est que le film tente. Il ose. Mais il crée un chemin subtile dans lequel on ne peut entrevoir exactement ce que tout cela signifie. Certes, on peut y voir une critique d'une forme de pratique de la religion, enfermant ses serviteurs dans un doute et une crainte constante qui, en les menant à interpréter tout malheur comme punition ou manœuvre diabolique, finit par tout détruire. On pourrait même croire que l'héroïne s'imagine ce qui se passe à la fin sous le coup de la folie. Cependant, on a la rédemption aussi qui se révèle, ces personnes dans la croyance n'étant ainsi pas montré que sous leur mauvais jour. Cependant, on a bien cette voix du Diable, on a bien ces sorcières s'envolant au-dessus de leur feu lors d'un rituel incantatoire. On peut bien s'imaginer que c'est le résultat de la folie, mais on pourrait aussi y voir un Diable s'étant servie de sa meilleur arme: le doute, aboutissant à la confusion.
D'ailleurs, la personne la plus confuse et qui est la plus prise par la folie est la mère, la plus en proie aux doutes, et celle qui a le moins conservé la foi. La critique que peut se faire le film de la religion n'est en finalité pas lourde, car ne tombant pas dans une vision la montrant comme purement maléfique, sans "recul".
Les discussions autour de la religion donnent de la puissance à ce film, d'autant plus qu'elles posent des questions qui maintiendront encore plus le doute (le fils a t-il connu la rédemption ou est-ce le Diable qui utilisa les même termes que ceux utilisés par Dieu?), pour la famille mais aussi pour le spectateur, qui lui regardant ça avec plus d'écart y verra une branche ajoutée à l'un des deux arbres d'interprétation du film qui sont "folie" ou "résultat d'une oeuvre aux sources maléfiques".
L'hystérie monte, tout comme la folie, et tout ça est sublimé par des acteurs vraiment exceptionnels dans leurs rôles. On pourra simplement reprocher une touche d'excès certaines fois, mais globalement c'est d'autant plus réussi de ce côté là que le charisme se fait ressentir.
Le film peut se vanter de son aspect visuel et esthétique qui, si on excepte 2-3 plans peu harmonieux, se révèle très joli et participe beaucoup à l'ambiance.
Le style de Robert Eggers a de quoi diviser, mais je trouve qu'il fait du bon travail dans son approche, et pour la tentative il mérite son prix au festival de Sundance.
Le montage est d'ailleurs à peu près pareil, bien, mais sa pertinence dans son aboutissement peut-être remis en question.
Finalement, je pourrais aussi dire The Witch a certaines scènes qui se révèlent être vraiment puissantes, thématiquement et formellement. Le film marque, et j'ai un certain goût pour ce qui marque.
Quelque-chose me dit que Robert Eggers a pas mal à dire, et j'espère qu'il continuera à faire des films. Et si c'est le cas, je porterai sûrement un intérêt à ceux-ci, car quelque-chose me dit que ce n'est pas la dernière fois qu'il réussira à livrer une oeuvre se démarquant. A voir...