On nous l’annonçait comme LE film qui allait révolutionner le genre. « The witch » est sorti dans les salles françaises la semaine dernière et depuis, les avis divergent entre « coup de génie » et « coup de mou ».
Pour notre part, nous optons plutôt pour le deuxième point de vue. Si la photographie du film et la reconstitution historique sont particulièrement réussies, l’intrigue elle, tourne en rond et ne nous cueille pas au plus profond. Présenté comme un film d’horreur, « The witch » est davantage un film d’ambiance ou à suspense qu’un film d’horreur à proprement parler. Bien sûr, le premier métrage de Robert Eggers apporte son lot de scènes impressionnantes voire choquantes mais on ne peut pas dire que le stress soit permanent, que du contraire. Là où le jeune réalisateur (de 34 ans) fait fort, c’est qu’il joue avec ses suggestions, nos interprétations pour nous immerger dans son histoire somme toute ordinaire.
L’atmosphère angoissante des lieux était pourtant bien retranscrite. Durant une bonne heure trente, on évolue dans un environnement hostile, presque à l’abandon, entouré d’une brume persistante où les couleurs perdent de leur éclat. Des couleurs, il n’y en a d’ailleurs quasiment pas. Si le film n’est pas tourné en noir et blanc, le choix de luminosité et de contraste accentue la désolation de la nouvelle ferme de la famille où rien ne semble pousser ou grandir si ce n’est le drame qui se joue petit à petit.
Le décor excessivement bien planté n’avait besoin que d’une chose pour étinceler : un scénario costaud et c’est là où le bât blesse. Très (trop ?) suggéré, le fil conducteur ne décolle pas vraiment et ne finit pas de nous faire attendre une scène finale improbable et presque incompréhensible. Le temps nous semble long et malgré quelques bonnes intentions, nous aurons bien du mal à garder notre concentration.
Mais quelles sont grandes lignes de l’histoire après tout ?
Installée depuis quelques temps dans une clairière, une famille de paysans se retrouve la proie d’un malheur sans visage. Le nouveau-né disparaît, le fils aîné revient des bois probablement possédé. Plutôt que de lutter contre le drame qui les assaille, les uns et les autres préfèrent mettre le doigt sur le dysfonctionnement de la famille, la responsabilité de chacun allant jusqu’à accuser l’aînée de sorcellerie. Foncièrement catholiques, les parents ne peuvent envisager une seule seconde que Dieu les punit et préfère accuser le diable, entré dans leur maison par mégarde. Ce que l’on constate de notre côté, c’est la dépression de la mère (Kate Dickie), suite à la perte de son bébé, sa peur puis sa folie, sa démission de rôle de mère au profit de sa fille Thomasin (l’excellente Anya Taylor-Joy). C’est aussi l’inactivité du père (Ralph Ineson – Amycus Carrow dans la saga « Harry Potter ») qui se fait moucher par ses enfants, sa dévotion aveuglante et son inaction face aux tragédies qui s’enchaînent. Et enfin, c’est la relation étrange qu’entretiennent les jeunes jumeaux, Mercy et Jonas, avec les animaux (et plus particulièrement avec Black Philipp, le bouc de la ferme), les mensonges et l’amplification qu’ils font des mythes de la région
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Les dialogues, très travaillés, correspondent bien au contexte de l’époque. C’est très souvent le point faible des films dits « d’horreur » mais ici, on constate que la recherche a été totale et offre une écriture intelligente et sensée. Nous avons d’ailleurs appris, grâce au générique final, que le film était basé sur les procès des sorcières de la Nouvelle-Angleterre et que les idées de dialogues étaient puisées dans les documents d’époque, afin qu’ils soient les plus réalistes possibles. Une époque où les femmes étaient souvent jugées pour sorcellerie et sujettes à toutes les suspicions possibles et imaginables. Ici, rien de tout çà cependant: aucun procès n’est visible sur l’écran. Seules les accusations de la famille reflètent la crainte qu’ils ont de ces pratiques douteuses au point d’en devenir l’excuse toute trouvée des malheurs qui les accablent.
Artistiquement, il n’y a rien à redire : l’atmosphère et l’époque sont admirablement retranscrites, à l’instar du film « Les autres » d’Amenábar. Pour le reste, « The witch » n’est qu’une déconvenue et ne mérite pas que l’on s’y attarde plus longuement. Récompensé par le Festival de Sundance l’hiver dernier, Robert Eggers a encore pas quelques ajustements à faire avant de nous impressionner.