Depuis plusieurs mois, The Witch était présenté outre-atlantique comme le film événement, celui qui devait redonner un nouveau souffle au genre fantastique. Car au milieu de The Boy, The Door, ou encore Annabelle, un nouveau titre accrocheur aux allures de gags déjà bien réchauffés n'apparaissait pas comme une formidable nouvelle, surtout quand le film d'horreur n'a su nous enthousiasmer dernièrement qu'avec le très « carpanteresque » It Follows ! Pourtant, avec sa bande-annonce mystérieuse et son sujet ambitieux, cherchant à traiter de manière fondamentale le thème de la sorcellerie au XVIIeme siècle, The Witch attisait une certaine curiosité chez le spectateur français. Qui dit sorcière, dit forcément pacte avec le diable, avec le Malin, et sera donc amené à comparaison avec certains films traitants d'un sujet similaire (une jeune héroïne qui, confrontée à l'âge adulte et à la puberté, devra absoudre ses péchés). Grande qualité du film, les décors et la photographie se marient à merveille et forment une symbiose esthétique plutôt louable pour un film au budget modeste. Côté acteurs, un travail sur la prononciation (un anglais ancestral, à l'accent particulièrement marqué) amène une certaine authenticité historique au film.
Mais si Robert Eggers propose une démarche intéressante, par sa volonté de créer quelque chose d'inattendu tout en se basant sur différents compte-rendus d'audience ou journaux intimes de l'époque, The Witch apparaît malgré tout comme une jolie arnaque. Jolie car sa mise en scène n'est pas à déplorer, ni même sa photographie, mais hélas pas un seul frisson ne parcourt notre corps pendant près d'une heure et demie. Pucelle possédée ? Adoration de Satan ? Schizophrénie ? Sorcellerie ? Mario Bava ou M.Night Shyamalan ? Le réalisateur ne sait sur quel pied danser, rendant son film insensible et particulièrement insupportable à suivre sur la longueur. Les quelques apparitions de sorcière n'accentuent aucunement l'effroi ou le suspens (le hors-champ du Projet Blair-Witch apportait bien plus) ! Elles permettent uniquement d'alourdir un peu plus le film par le biais de musiques stridentes censées nous faire comprendre qu'un événement terrible est en train de se dérouler. Sans parler des nombreux clichés du genre, ainsi que du montage abrupt, qui feront tout pour essayer de vous tenir en haleine dans ce puits sans fond… Pour une oeuvre qui devait révolutionner le genre, les ficelles sont quand même aussi vieilles que la création du cinéma lui-même ! Quand à sa thématique du passage de l'enfance à l'âge adulte, celle-ci était bien mieux exploitée autour d'une certaine mélancolie dans It Follows ou avec un angle bien plus brutal et clair dans L'exorciste de William Friedkin. Sous ses airs de films d'auteur à tendance « Sundancienne », The Witch finit tout simplement par lasser, tant on persiste à espérer que l'on nous raconte enfin quelque chose.
Énorme déception donc pour The Witch qui, malgré ses quelques bonnes intentions, finit par s'avérer être un film plat, au discours beaucoup trop faible et attendu pour constituer une œuvre charnière. Mais alors s'il n'y a ni divertissement, ni véritables propositions en sous-texte ? Reste un film très inégal, boiteux, comme une potion magique dont la recette serait restée inachevée…