Beaucoup évoqué avant sa sortie puis nettement moins médiatisé pour diverses raisons, on se rend compte avant tout que « The Birth of a Nation » n'est pas un très bon film. Nate Parker semble avoir de grandes ambitions, encore faudrait-il le talent devant et derrière la caméra (puisque dans un grand moment de modestie, il s'est attribué les deux fonctions), ce qui n'est pas vraiment le cas. Certes, le sujet est intéressant, méritait probablement d'être traité du point de vue des noirs. On a déjà vu ça ailleurs et en bien mieux, mais pourquoi pas, ce portrait de Nat Turner, figure singulière et forte de la révolution contre l'esclavagisme, méritant d'être connue. Mais avec la hauteur, l'intelligence et la subtilité nécessaires, qualités que n'a pas ici l'acteur-réalisateur.
Je ne remets pas en cause le budget, pas mal exploité, ni la reconstitution, de bonne facture, et on ne peut remettre en cause l'investissement, ni la sincérité de Parker dans le projet. Mais c'est presque pire : à force de vouloir prendre fait et cause pour ce prédicateur, il en perd toute objectivité, toute réflexion sur la période et les conséquences finalement dramatique qu'a eu cette révolte d'esclaves en 1831. Peut-être semblait-elle nécessaire à l'époque, et il est légitime qu'on se pose la question.
Sauf qu'en définitive, qu'a t-elle donné ? Des esclavagistes locaux ont été assassinés. D'accord. En représailles, de très nombreux esclaves ont été exécutés et les lois pro-esclavages ont été renforcées dans l'État. Le film l'évoque à peine, et si c'est le cas, ce n'est en aucun cas pour remettre en cause son héros et sa stratégie suicidaire, mal pensée, faisant de ce dernier, au contraire, une sorte de figure christique, lourdement mise en images.
Il y a bien quelques scènes troublantes, créant le malaise, la relation entre Turner et son maître évitant longtemps le manichéisme avant de sombrer dans la dernière partie... Pourtant, je ne doute pas un instant que vu sous un regard ambigu, complexe, ce prêcheur aurait pu être un excellent personnage de « fiction ». Mais bon, Nate Parker semblait tellement obnubilé par donner une réponse « noire » au « Naissance d'une nation » de David Wark Griffith qu'il a signé une œuvre sans nuance, assez narcissique et globalement plutôt raté. Un « film à Oscar » sans Oscar ni nomination : l'échec est décidément quasi-total.