Entre le Predator et moi, c’est une longue histoire d’amour. Bien sûr, sa première apparition au cinéma sous la direction de John McTiernan fut un chef d’oeuvre primal dont plus personne ne s’aviserait aujourd’hui de discuter la qualité...mais personnellement, j’ai quand même pas mal de sympathie pour le mal-aimé Predator 2 de Stephen Hopkins, et même pour le version de Nimrod Antal de 2010, qui font toutes deux partie de ces films objectivement pas terribles mais subjectivement formidables pour peu qu’on ait des affinités avec le concept : avec sa gueule de phacochère mal rasé et son armement dévastateur, le Predator reste pour moi un des plus formidables antagonistes de tout le cinéma de science-fiction ! En outre, l’idée que la nouvelle version soit signée Shane Black était carrément excitante : outre qu’il jouait dans le Predator fondateur, Shane Black, c’est quand même le type qui a écrit les deux premiers opus de ‘L’arme fatale� : peut-être pas un génie du récit classique mais quelqu’un qui sait brosser des personnages mémorables en quelques traits et trouver les réparties qui claquent le mieux. Résultat des courses, ‘The Predator’ est un film qui ne tient pas toutes ses promesses mais en tient plus ou moins certaines, et ce sont celles qui peuvent parfois faire la différence. Visuellement, cinématographiquement, Shane Black fait le boulot, ni plus ni moins : les scènes d’action sont correctes, le rythme est soutenu mais soyons francs, on a vu bien plus percutant et excitant ces derniers temps. ‘The Predator� est un film des années 2010, calculé, contradictoire car visiblement révisé de nombreuses fois, toujours hésitant à dépasser les bornes et qui semble au contraire désireux de demeurer dans une prévisibilité rassurante et qui ouvre son lot de pistes inédites au cas où le succès permettrait de programmer une franchise de quatre ou cinq films. C’est la touche Shane Black qui permet de contrebalancer ce tableau un peu morne, et cela commence par le choix des forces en présence. Si du côté Alien, Black pousse le bouchon un peu loin pour les motifs “franchisables� évoqués plus haut, il réussit un sans-faute du côté des humains : ceux qui vont se colleter avec le Predator ne sont pas des surhommes, mais une bande de soldats désaxés, en proie à toutes sortes de problèmes psychologiques, qui suscitent forcément plus de sympathie que des héros à la mâchoire carrée et au regard bovin. Forcément, entre des types pareils, les vannes plus ou moins drôles fusent, peut-être pas autant qu’à la grande époque mais nettement plus que ce qu’on peut espérer aujourd’hui. Aurait-il continué sur sa lancée que ‘The Predator’ serait devenu un authentique plaisir même pas coupable. Impératifs de production, perception de l’époque et du public, auto-censure ? Les années 2010 contaminent l’esprit années 80 et privent The Predator du statut de futur Classique qu’il semblait bien près de tutoyer : j’en veux pour preuve que Black ne parvient pas à faire surgir la moindre scène iconique, alors même que les exécrables ‘Alien vs Predator’ y étaient parvenus. La matière était là, le potentiel aussi, et le résultat n’est pas honteux, en tout cas plus rafraîchissant que beaucoup d’autres récentes réactualisations de classiques ...mais pour apprécier ‘The Predator’ pour ce qu’il est, mieux ne vaut ne pas s’attarder imaginer ce qu’il aurait pu être.