Sincèrement, je n'aurais probablement jamais vu « Fatima » si celui-ci n'avait pas été auréolé du César du meilleur film, choix me rendant plus que jamais dubitatif : en gros, tant que c'est social ou sociétal, même si ce n'est pas terrible, on récompensera (j'exagère un peu mais à peine). Je ne voudrais toutefois pas être trop sévère car comme ma note l'indique, je n'ai pas du tout détesté le résultat. Philippe Faucon fait preuve d'une vraie sensibilité, fait le portrait d'une femme musulmane dans la France d'aujourd'hui sans caricature (ou presque) ni complaisance, le manichéisme étant soigneusement évité, que ce soit dans la relation que l'héroïne entretient avec ses deux filles comme avec l'extérieur, notamment à travers un regard discret mais subtil sur le monde du travail et la précarité. L'interprétation va également dans ce sens, Soria Zeroual se révélant très convaincante, comme Zita Hanrot et Kenza Noah Aïche en adolescentes aux caractères diamétralement opposés. Maintenant, ce n'est vraiment, vraiment pas le cinéma qui me fait rêver. Aussi respectable et nuancé soit-il, le regard sur la banlieue ne m'a pas réellement interpellé, la logique très naturaliste, presque documentaire du réalisateur donnant, certes, une réelle authenticité à ce qui nous est présenté, sans pour autant nous toucher, nous émouvoir autant que souhaité. Même si j'ai eu du mal avec ce langage « wesh » et que Souad m'a vite agacé, cela se justifie, tout comme les choix presque « dardenniens » de Faucon. J'ai de l'estime pour cette approche résolument humaniste, mais j'ai vraiment du mal à imaginer qu'on en sorte bouleversé, allant jusqu'à le considérer comme la plus grande réussite française annuelle. Tant mieux pour lui, et j'admets volontiers qu'il est difficile de ne pas être touché par l'émouvante scène finale. Je n'en reste pas moins convaincu que cette mode de récompenser les œuvres « estimables » sous prétexte qu'elles sont « dans le vrai » n'est pas faire honneur au cinéma, ce qui n'est en rien la faute de « Fatima », mais bien d'un état d'esprit et d'une logique d'entre-soi, hélas, plus que jamais d'actualité.