Fatima est une quadragénaire, femme de ménage et agent de nettoyage industriel, voile planté sur la tête ; elle est une femme qui mise beaucoup sur la réussite de ses filles. Une femme modeste mais souhaitant toujours rester digne. Parlant mal le français, elle se réfugie derrière sa langue maternelle ; ce qui donne de savoureux moments où elle parle en arabe et ses filles lui répondent en français. Elément bien documenté, tout comme le reste du film, puisque la communication dans ces familles se déroule souvent de cette manière. De fait une demi intégration pour l’émigrée de première génération qui vise bien mieux pour ses deux jeunes filles qu’elle élève seule. Prête à se saigner aux quatre veines, son bonheur, toujours simple, passe par le don d’elle-même afin que sa fille aînée puisse bénéficier des meilleures conditions afin réussir sa première année de médecine. Sa seconde, rebelle et insoumise, lui donne plus de fil à retordre ; le contre modèle de son aînée.
Philippe Faucon sait bien parler de cette population entre deux cultures. Dans « La désintégration », en 2012, il livrait un opus pessimiste et pointait les ratages de l’intégration en montrant la radicalisation de jeunes français musulmans. Avec « Fatima », il conte une histoire positive et optimiste d’intégration. Loin d’être béni-oui-oui, son scénario ne ménage pas son personnage phare qui doit braver tous les obstacles se dressant devant cette étrangère d’une autre culture : racisme ordinaire, difficultés à sortir de son milieu, le regard porter par ses semblables sur la réussite coupable de ses enfants, la condescendance,… Pas plus de spectaculaire que d’angélisme dans le traitement de ce sujet. Là où « La désintégration » se contentait d’être démonstratif ; « Fatima » l’est aussi avec un message bien distillé habilement dans chaque plan ; mais le trio mère filles est sacrément incarné. Le tout est un concentré d’épure, 1h19 seulement pour faire le tour du proprio, si délicat tendre et bouleversant. Faucon nous fait passer souvent du rire aux larmes, de la colère à l’optimisme, sans forcer le trait. Ce trajet familial est bien balisé dès le départ, on sait très vite où cela va nous conduire ; on arrive à destination comme prévu, sans embuches, et malgré tout on y prend beaucoup de plaisir. Aucune musique d’ambiance n’est ajouté ; la comédienne principale est une amatrice ; là aussi le film se revendique minimaliste. Les aigris diront que les faits et situations relatés sont banals voir aussi la sécheresse du scénario ; mais lorsque le talent est au rendez-vous, çà fait juste un très film témoin de son époque. Un de mes grands bonheurs de cinéma 2015.