Rattrapage : je ne l'ai pas vu à sa sortie, je n'avais pas envie d'y aller, j'avais l'impression de tout savoir avant même d'entrer dans la salle. Et je ne me trompais pas. Essayons d'analyser l'objet : vraie fiction, faux documentaire, interprété par des non-professionnels, qui "jouent" chacun à la hauteur de ses possibilités, ce qui introduit déjà un problème. Selon que l'on suit Nesrine, la fille ainée, ou sa cadette, ou leur mère Fatima, on n'est pas dans le même registre de comédie (au sens de l'interprétation). On oscille entre le "jeu" assez crédible de Zita Henrot, le théâtre de lycée de Kenza Noah Aïche et le non-jeu de Soria Zeroual, femme de ménage philosophe au visage de madone. Toutes trois sont posées comme des trains électriques sur les rails du scénario et des dialogues raides de Philippe Faucon, et les saynètes s'enchainent, tantôt robotiques tantôt un peu émouvantes, mais sans que l'ensemble ne décolle jamais de son propos théorique, sans échappatoire. A qui s'adresse ce film ? Pas à moi, c'est clair. Sans doute suis-je sans cœur, ou sans conscience politique, mais c'est d'abord l'absence de cinéma qui me frappe, ou plutôt, de ce que j'attends du cinéma : de l'étonnement, de la curiosité, de la découverte, du style, de la surprise, du souffle, de la vie... ici tout parait mort par préméditation. J'ai déjà vu ce film cent fois. On me parle de douceur et de délicatesse. Je parlerais plutôt de stérilité, d'asepsie, à l'image de ces séquences où l'on voit Fatima nettoyer des vitres propres ou essuyer des éviers déjà étincelants. Un prototype de ce cinéma social, compassionnel, appliqué à outrance, dont le succès critique (et public) sent la bonne conscience consensuelle tant il évite habilement toute transgression. Fatima, figure édifiante de mère-courage, ressemble aux saints et aux saintes dont les curés de mon enfance adoraient nous dresser le portrait avec des trémolos dans la voix. Une image pieuse, lisse et au bout du compte antipathique, tant le réel ne semble pas avoir de prise sur son parcours immaculé. Ce que j'aurais voulu voir, c'est un vrai documentaire sur la vraie vie de Soria Zeroual, voire le making of détaillé de ce film, qui en l'état, ne me semble avoir aucun intérêt.