La femme respectable dans toute sa splendeur. Celle qui ne se laisse pas flancher devant ses filles, qui travaille jusqu’à pas d’heures et qui vit dans le mal-être avec bien l’envie, en sortant du boulot, de s’en plaindre, mais elle ne peut pas. Ou plutôt elle ne veut pas. Avec son ton jamais misérabiliste, « Fatima » touche juste, se plaque de force dans le vif du sujet mais avec une tendresse qu’on ne retrouve aujourd’hui que dans très peu de films. On peut alors parler sans peine de la très bonne interprétation de Soria Zeroual pour qui, faut-il le rappeler, est le premier rôle et n’espérons pas le dernier. Du cinéma naturaliste dans toute sa pureté et sa beauté, une caméra comme collée à ses personnages pour mieux pouvoir les observer dans la vie de tous les jours et la quête du meilleur que possède une mère pour ses deux filles. Dans un pays dans lequel elles sont le plus souvent placées sur un banc particulier, elles tentent de vivre, puis parfois même de survivre à l’impulsion de la crise économique sur une mère et sur sa fille étudiante, tandis que l’autre, n’appréciant pas le scolaire, chute en pleine crise identitaire. Et c’est bien pour cela que ce film ne touche pas seulement une population « immigrée », installée depuis peu sur un autre territoire, mais franchit plutôt les frontières et ses préjugés si durement implantés depuis des siècles et des siècles, instaurant au même moment des conflits au sein d’une société basée sur l’individualisme et sur la méfiance de l’étranger. De cette société, Philippe Faucon préfère en montrer des particules d’humanité qui y circulent, relatant les difficultés d’une mère à apprendre une langue ou le trac que subit une étudiante en médecine, stressée par son devoir de réussite. Une belle métaphore se produit alors, montrant la mère de famille n’arrivant pas à s’exprimer avec ses enfants, sauf que la barrière de la langue y est oubliée. Elle peut leur parler, mais guère se faire comprendre par elles. Bien que l’histoire qui en découle manque souvent d’énergie dans son rythme et manque parfois d’émotion pour nous faire décoller, le casting parvient cependant à nous toucher profondément grâce à leurs jeux, justes et honnêtes. On y retiendra la grande prestance de Zeroual, et la bonne maîtrise de la réalisation. Les deux combinés, on obtient un projet qui nous touche au coeur, et qui reste en nos esprits telle une envolée contrôlée par ses acteurs et son auteur.