Après un cinéma cynique sur la nécessité de figures héroïques pour rendre la justice, l'Eastwood tardif prend le contrepied de son postulat désabusé, et produit un cinéma à taille humaine, qui questionne la notion même d'héroïsme. Richard Jewell incarne l’archétype du Redneck arriéré, pro-peine de mort, pro-armes, probablement homophobe, en extase devant la police, célibataire, blanc, obèse, geek : coupable idéal d'une Amérique coolisée.
Or, dès la première scène, Richard transpire la gentillesse. C'est quelqu'un d'attentionné, qui veille à ce que l'avocat ait un nombre de snickers suffisant, et qui propose de l'eau à une femme enceinte. Dans le même temps, c'est un dépositaire de l'ordre qui prend trop au sérieux son rôle de vigilance. C'est d'ailleurs ce zèle sécuritaire qui l'amène à être licencié de son emploi dans une université, puis à rabrouer des jeunes qui boivent, et, enfin, à s'inquiéter d'un sac à dos oublié sous un banc. Son flicage bébête, raillé par ses collègues, permet de déceler la bombe.
Avec Richard, l'héroïsme ordinaire a peu à voir avec les silhouettes archangéliques du Eastwood cow-boy. Richard sauve des vies non grâce à son courage ou sa force, mais par un sens de l'observation accru, un désir frénétique de faire régner l'ordre.
En parallèle, le FBI, qui ne se pardonne pas d'avoir manqué à la sécurité du concert olympique, cherche à se rattraper en neutralisant tout de suite le coupable : Richard. Et, dans son adoration pour le corps militaire, Richard les aide à l'inculper, lui dont la mise en scène ne cache pourtant pas l'indiscutable innocence.
Avec l'affaire Jewell, Eastwood présente une autre facette de l'héroïsme – ou des comportements jugés comme tel –, et critique le manquement gouvernemental, l'immixtion judiciaire et la voracité médiatique. En une formule : les soubassements corrompues d'une Amérique en crise institutionnelle, incapable de se rendre à l'évidence – Richard ne peut pas avoir passé de coup de fil, puis avoir déposé la bombe en aussi peu de temps.
Le mal se répare en apparence, mais rien n'effacera le cauchemar qu'ont vécu Richard et sa mère, lesquels auront connu trois jours de reconnaissance avant voir leur vie s'écrouler.