« Ricard Jewell» est un cas dans la filmographie de Clint Eastwood. En effet, jamais héros n’aura été à ce point un anti héros. Soldat médiocre, shérif adjoint débarqué, lui qui se voit en flic, sans se rendre compte que son physique de bibendum (Michelin Man comme le raille ses collègues) et surtout son comportement de toutou dont il a la servilité et un QI d’apparence à peine supérieur, le rend peu apte à un poste quelconque. Sans qualité professionnelle saillante, si ce n’est son sens de l’observation et sa gentillesse, sans professionnalisme ni compétence, il trouve finalement un job de vigile qu’il assume avec maladresse et fini dans le service de sécurité dans l’organisation de la cérémonie d’ouverture des jeux d’Atlanta. Bref, l’archè type du médiocre. Curieusement, certains ont vu une dérive nationaliste à la gloire de stars en strippes, alors que le réalisateur dynamite trois piliers des quatre qui font la base des USA, à savoir : la police (ici la plus prestigieuse : le FBI), la presse et le pouvoir politique totalement indifférent. Quant au quatrième : l’argent symbole de la finance et de la FED toute puissante (qui gouverne la planète), s’il elle n’est jamais attaquée de front, toute référence à l’argent est systématiquement péjorative. Naturellement, l’avocat ne demande pas un dollar pour sa prestation. Eastwood a beau être trumpiste, il démoli tout les symboles de la droite : récompense du travail, honneur de la patrie, spiritualité religieuse et bonheur matériel. Dans les années cinquante, certains furent traduits pour activité anti américaines devant le comité du sénateur McCarthy pour moins que ça. Ce n’est pas par hasard que Bobi Jewell s’adresse à Bill Clinton, puisque ce dernier a abrogé le class Steagall Act (ou Banking Act) de Roosevelt, ouvrant la porte aux spéculations et bulles les plus énormes, et aux crises financières qui vont avec. Certes, le réalisateur ne force jamais le trait, restant dans un niveau de lecture secondaire, comme lors de cette confrontation avec l’image du très médiatique Bill Clinton à l’écran, où le spectateur retient avant tout le numéro puissamment émouvant de Katy Bates (qui n’a pas eu l’oscar du meilleur second rôle, le film revenant bredouille des Academy Awards, tout comme « Sully » et « The Mule »). La lecture de cette étude d’une injustice peut se faire à plusieurs niveaux, ce qui est à la fois une des qualités du film mais aussi son principal défaut. Ainsi le symbolisme de la scène du bar virtuel entre l’enquêteur et la journaliste aux couleurs bleu et rouge des USA, échappe complètement à la perception, masquée par le numéro de vamp et la coucherie qu’elle suggère. C’est sans doute l’une des causes du faux rythme qui s’étale pendant 131 minutes et qui génère une impatience agaçante, sans que le montage de Joel Cox soit en cause. La pureté ascétique de « Sully » et « The Mule » qui permettait un équilibre remarquable semble ici s’éparpiller et le portrait manichéen de l’agent fédéral en charge de l’enquête (Jon Hamm) n’arrange rien, Eastwood nous avait habitué à plus de subtilité. C’est dommage, car le sujet est passionnant, s’appuyant sur une interprétation magistrale du trio central : Paul Walter Hauser (de loin sa meilleure prestation à l’écran), Sam Rockwell et Katy Bates. Tel quel le passionnant « Richard Jewell » est un grand film, et il est permis de regretter que quelques scories ci et là l’empêche d’accéder au rang de chef d’œuvre.