Thomas Salvador n'est pas un styliste. C'est un juste un bon nageur. Avec juste un argument qui tient sur un ticket de métro et une bonne dose de naïveté performative - ou d'habileté retorse, il s'est convaincu de pouvoir faire un premier long métrage. Dès les premiers plans, la messe est dite : on n'est pas là pour être subjugués. Mise en scène platissime, lumières moches, et tous les marronniers du jeune cinéma français : le héros regarde le paysage défiler à travers la fenêtre du TGV, il cherche des petits boulots dans le bâtiment (et en trouve), il va dans d'improbables soirées où l'on danse sur de la fausse musique de soirée (on n'a pas d'argent pour s'acheter de la vraie, ni d'oreilles pour la confier à quelqu'un d'un peu doué). Il rencontre une fille, ils s'embrassent, ils couchent, etc... Waoh. Ah si. Il a un truc spécial : trempé dans l'eau, un peu comme les Gremlins, il se métamorphose et devient une sorte de Hulk, mais normal, sans le body building et la peau verte. Pourquoi ? Comment ? On ne sait pas. "On aurait dit qu'il aurait ce pouvoir." Pourquoi pas ? Avec une telle histoire, on voit ce que peut faire, par exemple, Jonathan Glazer. Ça donne "Under the skin" et c'est décoiffant, dérangeant, intriguant, passionnant et visuellement splendide. Ça dit même des trucs sur le monde, le sens de la vie, la sexualité, tout ça. Là, c'est la version lo-fi, ou leader price, et ça ne dit rien sur rien, ce serait trop vulgaire. Image laide, cadres approximatifs, filmage France 3 Roussillon, scénario paresseux... Le seul truc qui intéresse vraiment Salvador, c'est de se filmer dans l'eau, tracté par des câbles effacés en post-production. Il kiffe le truc. C'est proprement fait. Mais ça ne produit pas de cinéma. Juste de l'ennui tant c'est répétitif. Une séquence poussive de poursuite avec la gendarmerie (un troupeau d'ahuris en uniforme, évidemment) s'éternise en péripéties prévisibles et mène à un dénouement qui ne l'est pas moins, sans une once d'imagination. Au mieux, ça ressemble au Guiraudie du "Roi de l'évasion", pour le côté bucolique, mais sans aucune substance. Une seule séquence à sauver, celle où la copine pose des questions au héros sur ses super-pouvoirs. Humour façon Kaamelot mais soyons beaux joueurs, ça fonctionne. Si seulement Salvador avait été capable de tirer ce fil... Mais non. J'ai eu l'impression d'être devant la version étirée d'un grand prix bien consensuel du Festival de Clermont-Ferrand, où les jurys sont comme les commissions des fonds d'aide régionaux, friands de ces mini-téléfilms gentillets qui ne défrisent personne et suscitent l'adhésion selon le principe du plus petit commun dénominateur, toujours au détriment de projets plus risqués, plus audacieux ou plus rugueux.