Jennifer Kent réalise son premier long-métrage, Mister Babadook, récompensé par quatre prix au dernier festival de Gérardmer. La metteuse en scène australienne nous offre une pépite du cinéma d’angoisse, un hommage doté d’une véritable personnalité, naviguant entre les peurs enfantines et ce qu’elles peuvent avoir de plus magiques.
Amelia (Essie Davis) est une infirmière veuve s’occupant seul de son fils, Samuel (Noah Wiseman). Ce dernier, asocial et hyperactif, fabrique des armes de fortune pour se protéger des monstres qui hantent ses nuits. Après la lecture de Mister Babadook, un livre pour enfants à l’allure singulière, ce Samuel se persuade que le Babadook veut s’en prendre à sa mère. Le jeune garçon devient de plus en plus imprévisible, en proie à une véritable terreur, tandis que sa mère sombre dans la dépression.
Cela faisait longtemps que le cinéma horrifique n’avait plus osé nous faire peur avec une entité aux allures de silhouette cartonnée. C’est pourtant le pari réussi de Mister Babadook. Le Babadook semble sorti directement du livre de conte de Samuel, ou bien de son imagination prolifique. Mister Babadook parlera à tous ceux qui, enfants, vérifiaient sous leur lit et dans leur placard la présence de monstres, et se cachaient sous leur couette pour s’endormir, ainsi qu’à tous ceux à qui l’on a lu La maison hantée de Jan Pienkowski, formidable livre-pop horrifique pour enfants qui en aura fait cogiter des petits bonhommes avant de fermer les yeux. Sorte de croquemitaine de papier, se défaisant parfois comme une marionnette désarticulée, le Babadook est tour à tour menaçant pour Samuel ou sa mère. On ne sait jamais si Samuel est un enfant perturbé, ou si Amelia fait un surmenage. Ou tout simplement, si le Babadook existe vraiment. Sur la famille flotte l’ombre du père disparu se mélangeant par instants à celle du Babadook, exacerbant ainsi l’ambiguë frontière entre la réalité du fantastique et la fantastique folie des protagonistes.
Noah Wiseman, qui joue le jeune Samuel, est une petite révélation à suivre, jouant avec une facilité déconcertante, touchant quand il pleure, saisissant quand il s’énerve, attendrissant lorsqu’il reste à l’écart des enfants imbéciles et méchants de son âge. Son côté débrouillard nous ramène immanquablement à nos souvenirs de cinéphiles des années 90, à nos premiers coups de cœur de jeunesse, Macaulay Culkin est ressuscité, revenu des limbes hollywoodiens. Il faut voir Samuel se battre contre Mister Babadook à la manière de Maman, j’ai raté l’avion et apprécier pleinement cet aspect exaltant et nostalgique du film. Sauf que cette fois-ci, maman est à la maison et que le petit Kevin (pardon Samuel…) ne se contente pas de réutiliser ce qui lui tombe sous la main mais confectionne de vrai armes de guerre. En plus de cela, notre petit Samuel est aussi magicien à ses heures perdus. Qui n’a jamais rêvé, quelques minutes dans son enfance, d’être prestidigitateur, ou du moins d’être capable de magie ?
Film d’horreur à première vue, Mister Babadook est surtout un beau film où le fantastique le plus noble s’immisce à travers les lignes. En filigrane, et en ectoplasme, se lisent le désarroi d’une famille face à la perte d’un être cher, tout autant que la force des rêves, le Babadook ne semblant plus sur la fin n’être que le fantôme de l’être aimé et la peur qu’il inspire celle du manque.
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