Qualifier "Mister Babadook" uniquement de film d'horreur serait presque de l'irrespect. Pas que le genre soit dégradant, plutôt que son utilisation s'est grandement banalisée de nos jours, suivant des schémas de pensée, d'idées et de codes pré-tracées sans aucune originalité - et pour éviter tout malentendu, disons tout simplement que "Mister Babadook" c'est bien plus qu'un film d'horreur. Si le retour d'une vague de métrages maîtrisés à l'ambiance rétro, deux ou trois fois par an (comme "The Conjuring" ou "La Dame en Noir") apporte à chaque fois un vent de fraîcheur poussiéreux que l'on accueille avec plaisir, c'est avec beaucoup de mal que l'on cherche des véritables produits originaux dans une industrie qui semble de plus en plus s'être réduite à faire le plus basique pour le moins cher. Véritable raz-de-marée à Gérardmer et à Sundance, tout droit venu d'Australie, "Mister Babadook" arrive enfin dans nos salles françaises.
On a affaire à un vrai film de personnages - recherche psychologique favorisée, message évident sur le deuil et la hantise du passé, "Mister Babadook" est à la fois un film intelligent dans son fond scénaristique, car il prend son temps pour construire ses protagonistes au lieu de foncer tête baissée dans le vif du sujet (et une fois arrivé, y avance par paliers), mais aussi un film intelligent dans sa forme, dans sa manière de distiller son ambiance, sa tension - monument de suggestion, en en montrant juste assez pour réussir à surprendre jusqu'au bout - beaucoup de metteurs en scène feraient bien de s'inspirer de Jennifer Kent sur ce coup là.
Tout ceci porté en plus par un duo principal incroyable : Essie Davis tient probablement l'un des meilleurs rôle de sa carrière, saisissante et bouleversante en mère rongée par son passé, et le jeune Noah Wiseman est tout aussi incroyable en gosses à problèmes. Pourtant c'était pas gagné, et je n'aurais jamais pensé vanter le talent d'un acteur dans le rôle d'un gamin capricieux et perturbé, typiquement le type de personnage casse-gueule mais qui est ici écrit et surtout interprété de telle manière qu'il arrive à enclencher une forte empathie.
"Mister Babadook" est un film qui restera - pas un chef d'oeuvre, encore moins une révolution (on voit mal des productions américaines imiter la construction d'un tel film), mais indéniablement une réussite, qui de par son ambition d'être en marge de ce qui se fait depuis plusieurs années dans le genre en tirant presque un trait sur l'épouvante pure, que le film arrive pourtant à gérer d'excellente manière en installant un véritable climat de terreur à plusieurs reprises (c'est du niveau de "Les Autres" de Amenabar, la barre était pourtant très haute), mais aussi de par sa grande intelligence, porteur d'un réel propos, marqué d'un symbolisme fort et parfois peut-être un peu trop lourd, mais qui reste dans tous les cas profondément humain. Certains y seront sans doute plus sensibles que d'autres, ceux en attente de sensations fortes n'y trouveront pas leur compte - mais "Mister Babadook" ne laissera aucun spectateur indifférent.