Le sujet de ce film est assez minimal : Amelia, une veuve, et son jeune fils Samuel, emménagent dans une grande maison. Amelia travaille dans une maison de retraite et Samuel a visiblement de graves problèmes psychologiques. Dire qu’il s’agit d’un enfant hyperactif est un euphémisme : Samuel passe le plus clair de son temps à hurler et à réveiller sa mère en pleine nuit. Pour dissiper les angoisses de son fils, Amelia ne trouve rien de mieux à faire que de lui lire un conte horrifique qu’elle trouve un beau matin sur le seuil de sa porte – j’insiste sur ce beau matin car le livre arrive vraiment comme un élément de scénario à placer. Ce livre raconte l’histoire d’un boogeyman nommé Mister Babadook, qui entre dans les maisons, prend possession de l’âme d’un des habitants et organise ensuite un carnage en trois actes : 1) Le chien 2) L’enfant 3) La mère. Voilà ce que Samuel découvre en tournant les pages du conte, ce sera aussi le programme du film. On pourrait s’en contenter si Mister Babadook arrivait à nous faire croire aux mauvais affects qui empoisonnent la relation entre la mère et son fils (comment fait-elle pour le supporter ?), ou mieux encore, s’il parvenait à renouveler un peu la figure du boogeyman, à la sortir de la traditionnelle penderie où elle s’agite encore dans les cintres. Il faut pourtant se contenter de ce qu’on voit : le croque-mitaine a la silhouette d’un personnage gothique de Tim Burton (chapeau inclus) et les griffes acérées de Freddy Krueger. Quant à la mère, bientôt exténuée par les hurlements de son fils, elle entre dans la peau d’un cas social, regarde beaucoup la télé et se promène chez elle avec des couteaux de cuisine dans les poches. Lorsque Samuel vient, pour la dixième fois, la réveiller pour lui dire qu’il a faim, elle lui rétorque, à bout de nerfs : « Mange ta merde ». Evidemment (ceux qui auraient envie de voir le film peuvent sauter les lignes qui suivent, parce qu'elles révèlent tout), le boogeyman
prendra possession de l’esprit d’Amélia pour passer à l’étape 1 du scénario : le chien. Ce pauvre chien, qui s’appelle Bugsy, va donc mourir étranglé. Les étapes 2 et 3 sont plus difficiles à réaliser : faut-il sacrifier la mère ou l’enfant ? Et si oui, dans quel ordre? Dans la crainte de choisir l’une ou l’autre option, Jennifer Kent trouve un étrange compromis scénaristique : la faute est rejetée sur un père mort il y a longtemps et son spectre finit par se confondre avec la silhouette du Babadook. Le film de genre se mue donc en drame de l’impossible deuil, comme Dark Water et L’Orphelinat. Mais chez Jennifer Kent, vivre avec les morts ne signifie pas les suivre mais plutôt les laisser croupir dans une cave fermée à triple tour : c’est là que le spectre du père attend sa ration quotidienne de vers de terre, qu’Amelia et son fils cueillent avec amour, en faisant du jardinage.
. Comme Mama, primé à Gérardmer en 2013, nanar dont on se désintéresse assez vite, mais dont il reste cependant une interrogation (qu’est-ce que Jessica Chastain est allée faire dans cette galère ?), Mister Babadook laisse aussi son lot de questions : le scénario aurait-il été écrit par une équipe de pédopsychiatres ? A-t-on voulu appréhender les névroses d’une mère seule et nous prouver, via le Babadook, qu’il faut prendre au sérieux les crises d’angoisse des enfants hyperactifs ? Greffant sur la figure du croque-mitaine une psychologie sommaire extraite d'un abrégé sur les peurs de l'enfance et sur la vie après le deuil, Mister Babadook peut se résumer par une formule mathématique assez simple : mère cinglée + enfant hyperactif + boogeyman = nanar.