Oui, le film est très bien pour bien des raisons que beaucoup ont exposées. Je n’y reviendrai pas.
Sur le fond, le film m’a mis énormément mal à l’aise. Je pense que la quête d’excellence à tout prix,
de l’humiliation au suicide
, peut s’entendre pour un jeune militaire, ou un boxeur par exemple. Ici, la musique nécessite de l’empathie, du bien-être, de l’entente dans le groupe pour arriver au résultat attendu : technique ET musical, même pour un percussionniste. Certes la technique s’obtient par l’acharnement au travail, mais non violent ni destructeur, car cela bloque la musicalité personnelle et d’ensemble recherchées, par le chef et par le public.
Côté qualité, il n’est pas vrai qu’il n’y aurait qu’une vérité objective, fidèle à un original fantasmé. Il y a des interprétations, et se référer à un seul disque, une seule partition, un seul tempo, fût-ce ceux du meilleur enregistrement « live », pour le copier, est une erreur à mon sens.
Côté enseignement, j’ose espérer que ces méthodes, qui rappellent celles de quelques professeurs de conservatoires classiques du XXe siècle en les caricaturant à outrance, n’existent plus ! Jouer de la musique ne vaut pas
ces renoncements à la dignité humaine au sein d’une classe de jeunes. A la moitié du film, je me demandais si la trajectoire « morale » serait rétablie, face au chef toxique (il reconnaîtra s’être servi d’autres élèves pour son but), après que celui-ci a monté d’un cran avec des insultes répréhensibles et poussé le prodige à se mettre en danger, mais la relation toxique se renoue de façon improbable avec un dénouement positif devant un public assis, pour moi complètement fantasmé voire aberrant dans le milieu musical. Par exemple, ce chef tyrannique n’aurait jamais supporté d’être défié si souvent devant son ensemble, et encore moins en public, car il ne forme pas un chef destiné à lui succéder, mais un musicien censé reproduire son idéal de la partition. Le métier, le public n’aurait pas supporté, même en 2015, ces conséquences visibles sur un jeune prodige, mineur aux Etats-Unis
. Quelques années auparavant, un chef a été remercié à Radio-France.
Alors, je reproche au film de glorifier une dystopie éducative musicale, ou tout du moins de s’adresser à des puristes croyant à des méthodes inadaptées.