« We don’t want to be lawbreakers, we want to be lawmakers. »
Si la mode (tardive, je trouve) est aux biopics et films en costumes retraçant les luttes féministes et personnages féminins marquants de l’histoire, force est de constater que ça reste un sujet casse-gueule. Une réalisation fade ou au contraire trop décalée et une interprétation banale ou au contraire déjantée peuvent desservir le propos et il doit être difficile pour des scénaristes, des réalisateur·trices, des acteur·trices de trouver le ton idéal pour réussir la difficile alchimie entre objet artistique et sujet politique. Bon nombre de grands noms s’y sont brisé les dents, quelque soit le thème développé.
Quoi qu’il en soit, la lutte pour le droit de vote des femmes il y a un siècle, en Angleterre reste d’actualité à l’heure où l’égalité hommes-femmes fait toujours défaut, sinon en droit du moins dans les faits, dans nos pays et je ne parle pas de la situation dans d’autres régions du monde. Ce droit sera étendu au même titre que les hommes, en Angleterre, en 1928 et, pour rappel, il faudra attendre 1944 pour la France, 1948 pour la Belgique et 1971 pour la Suisse (1990 pour le dernier canton).
Le parti pris par la scénariste et la réalisatrice (mon correcteur m’a proposé « réalisateur », c’est quand même assez cocasse) est celui de l’éveil d’une conscience, au gré des événements, ce qui permet d’envelopper, d’encadrer le sujet de manière propre, sans l’étouffer ni l’amoindrir. Il s’agit d’une narration linéaire, classique et de personnages typés, notamment chez les hommes, où se côtoient toutes les figures de la plus réactionnaire à la plus libérale en passant par le paternalisme conservateur. Les actrices portent ce film à bout de bras, chacune avec sa personnalité et son degré de résistance, on n’est pas loin d’un casting parfait : Helena Bonham Carter qu’on ne présente plus joue juste et Carey Mulligan (déjà exceptionnelle de sensibilité exacerbée dans Shame de Steve McQueen) expose ici tout une palette d’émotions. La caméra de Sarah Gavron s’autorise quelques fois des plans serrés et apporte une dynamique fluide au récit ; ses alternances de teintes donnent énormément de relief à l’ensemble.
Au final, ce film historique qui démarre lentement, de manière très classique, et va crescendo est une réussite totale, un objet cinématographique de haute tenue traitant intelligemment d’un sujet grave. Et cruellement actuel.