On ne va pas se mentir, après le cauchemar de la première adaptation cinématographique de l'univers "Donjons & Dragons" en 2000 (suivie de deux autres films oubliés), on en était presque devenu habitué à voir le jeu de rôles à la renommée mondiale réduit à une simple référence opportunément citée sur grand ou petit écran pour définir avec facilité les penchants geek/nerd d'un personnage.
Notamment par l'entremise de la bande à Sheldon de "The Big Bang Theory" ou bien sûr celle des adolescents de "Stranger Things", le nom de "Donjons & Dragons" résonne avant tout aujourd'hui comme un élément incontournable de la culture pop' qui, en dehors de sa communauté de joueurs, se résume à un univers aux contours finalement assez vagues -sinon caricaturaux- d'héroic fantasy pour une grande majorité.
Mais, à l'ère d'un Hollywood qui s'échine à porter à l'écran n'importe quelle licence célèbre -et parfois n'importe comment- faute d'inspiration originale, voir ressurgir le spectre d'une nouvelle adaptation d'un titre aussi connu n'est pas étonnant et ne pouvait que susciter les pires craintes aussi bien chez ses adeptes encore nauséeux à la moindre évocation du long-métrage de Courtney Solomon qu'une indifférence polie auprès de la plupart des autres spectateurs.
Bref, a priori, personne ne se bousculait vraiment au pont-levis d'un nouveau "Donjons & Dragons" au cinéma, nous compris... Et on avait bien tort tant le film de Jonathan Goldstein & John Francis Daley se révèle être une très bonne surprise susceptible de réconcilier tous les publics !
Ne faisant pas partie des adeptes du jeu de rôles en lui-même (on se souvient juste avoir regardé la série animée des années 80 à laquelle le film réserve d'ailleurs un très amusant clin d'oeil), on ne s'osera pas à entrer dans le détail de son adaptation ou du respect de son lore, on jugera avant tout "Donjons & Dragons: L'Honneur des Voleurs" pour ce qu'il est: un bon gros blockubster fantastique faisant office de réussite à une époque où la production hollywoodienne en la matière peine de plus en plus convaincre, et ce même chez les mastodontes du genre (oui, Marvel, c'est à toi que l'on pense, surtout dernièrement).
Évidemment, on pourrait nous accuser de caricature en parlant de ce film comme d'un simple décalque des "Gardiens de la Galaxie" en terres d'héroic fantasy mais c'est justement ce qu'il est et il n'a pas à en avoir honte, bien au contraire. En reprenant le ton léger et le concept de bande de gentils losers d'une des plus grandes réussites de la concurrence pour l'insuffler dans un univers médiéval fantastique souvent engoncé dans la gravité de ses enjeux, "Donjons & Dragons: L'Honneur des Voleurs" se construit sur un savant mélange de fun et d'esprit de vrai film d'aventure à l'ancienne, appuyé par l'utilisation idoine de son lore très riche qui le fait paraître inépuisable en termes de bestiaire, d'environnements ou de péripéties en vue d'offrir toujours plus de spectacle.
Alors, attention, "Donjons & Dragons" n'est bien entendu pas parfait, avec ses défauts typiques de nombreux blockbusters US contemporains: son intrigue globale est cousue de fil blanc, son humour frise parfois le trop-plein de vannes pour espérer faire mouche à chaque fois, on aurait aimé se poser plus avec ses personnages lors de leurs déplacements plutôt que de voir trois plans de paysages résumer leur périple à travers ce monde, des coups de baguette magique scénaristiques viennent trop souvent tirer d'affaire ces héros pour qu'on les sente réellement en danger... Et, en soi, la majeure partie du film n'offre pas une forme divertissement que l'on pourrait qualifier de foncièrement original à part son mélange des genres (il n'est d'ailleurs pas le premier à s'y essayer non plus).
Mais, à l'inverse de beaucoup de ses collègues qui ont l'honneur d'une sortie en salles, "Donjons & Dragons" pense à pallier ses carences par une générosité de tous les instants. Que ce soit par la variété de ses quêtes, de sa mythologie mise au service aussi bien de phases d'action épiques que de situations absurdes, de ses personnages tous forgés individuellement pour créer une unité de groupe au caractère fort attachant (n'oublions pas les bons antagonistes) ou encore des visages bien connus de son casting venu visiblement s'y éclater avec nous (tous sont parfaits, mentions spéciales à Chris Pine, Michelle Rodriguez, Sophia Lillis et l'inénarrable Hugh Grant), le film se donne en permanence la mission d'éviter tout temps mort et réussit quasiment tout ce qu'il entreprend en ce sens, en dépassant même parfois nos attentes niveau séquences qui cherchent à en mettre plein les yeux (la fuite "animalière" de Doric, le combat final) et vrais coups de génie comiques basés sur les versants loufoques de ce monde magique (oui, on s'y marre beaucoup !).
Sans pour autant révolutionner les canons du blockbuster, "Donjons & Dragons: L'Honneur des Voleurs" surpasse donc tous ses adversaires récents en son registre par la bourrasque de magie pleinement divertissante qu'il y fait régner là où beaucoup se contentent désormais trop souvent du strict minimum pour espérer emporter l'adhésion du public.
Personne n'attendait vraiment ces voleurs au tournant et, à la sortie de leurs aventures, il faut bien avouer que ces derniers ont réussi à ravir pendant 2h20 une partie de notre âme de grand enfant toujours prêt à s'évader et à s'amuser dans des contrées imaginaires en bonne compagnie. Avec eux, on est prêt à relancer les dés pour une nouvelle quête dans la même lignée que ce très sympathique premier volet. Au final, c'est peut-être tout simplement ça la magie d'un bon blockbuster.