Malgré ses récompenses [prix Méliès en 1972 et Oscar du meilleur film étranger (sous la bannière de la France alors que le réalisateur, né en Espagne, a acquis la nationalité mexicaine en 1951) en 1973 (mais face à 4 films, soviétique, israélien, espagnol et suédois peu connus), le film est décevant car le scénario cède à la facilité du surréalisme [qui était la marque de fabrique de ses 2 premiers films, « Un chien andalou » (1929) et « L’âge d’or » (1930) mais plus de 40 ans auparavant] en abusant des scènes de rêves pour les situations les plus outrancières ou fantasques et qui, malgré tout, sont de pâles critiques de l’armée, de la police, du clergé et des riches. Cela relève de la farce potache, pas vraiment drôle, caricaturale et même ennuyeuse car trop longue (le film dure 1h42) avec beaucoup de scènes « gratuites » (
restaurant dont le patron vient de mourir, les rêves des militaires, le salon de thé dépourvu de café, de thé et de lait, le brigadier sanglant, les 6 personnages principaux marchant sur une route de campagne 3 fois de suite, recette du dry Martini, découpe du gigot d’agneau
) qui ne font pas avancer la narration ; cette dernière n’existe pas vraiment puisque le film se contente de montrer 3 amis (magouilleurs dont l’ambassadeur de Miranda, pays prototype de la république sud-américaine autocratique) et leurs femmes (
une femme adultère, une alcoolique et une nymphomane
) qui tentent de dîner ensemble, en vain, succession de scènes sans vraiment de logique. Etonnant que l’excellent Jean-Claude CARRIERE (1931-2021) ait participé au scénario qui n’a, ni queue, ni tête pour être franc. Un film surestimé alors qu’à l’époque, d’autres cinéastes étaient beaucoup plus critiques vis-à-vis de la société, malgré un mode de narration plus classique : Yves Boisset avec « Un condé » (1970) sur la police, « L’attentat » (1972) sur l’affaire Ben Barka et l’implication des services secrets, Costa-Gavras avec « Section spéciale » (1975) sur la création d’une cour spéciale par le gouvernement de Vichy, Henri Verneuil avec « I… comme Icare » (1979) sur l’assassinat d’un homme d’état ou « Mille milliards de dollars » (1982) sur les relations entre multinationales et IIIe Reich, sans oublier les films de Claude Chabrol et sa critique de la bourgeoisie sous la présidence (1969-1974) de Georges Pompidou (1911-1974). Seule la qualité de la photographie en 35 mm, due à Edmond RICHARD (dont c’est la 1ère collaboration, sur 3, avec le réalisateur) et les mouvements fluides de caméra sauvent le film du nanar, malgré la présence d’acteurs connus (Fernando Rey, Paul Frankeur, Delphine Seyrig, Bulle Ogier, Jean-Pierre Cassel et Stéphane Audran). De nos jours, le sujet aurait été traité sous forme de saynètes façon « Kameloot » (2005-2009) d’Alexandre Astier et Alain Kappauf, format plus efficace.