Devenu grand admirateur de Guillermo del Toro après son "Labyrinthe de Pan", j'attendais vraiment son "Crimson Peak". C'est donc avec l'une de mes amies que je suis allé le voir, et que j'en suis ressortis plutôt satisfait.
La réalisation du fameux réalisateur est une nouvelle fois sublime, magnifiant des décors imposant et gothiques avec une beauté sans pareille. Le savoir-faire de Guillermo se révèle être encore un coup de maître devant lequel on ne peut que rester les yeux grands ouverts.
Mais si la forme du film est radieuse, le fond l'est moins. Le scénario présente quelques faiblesses, incohérences et invraisemblances ; et de nombreuses questions sans réponses. Prenante mais guère poignante émotionnellement, l'histoire est malheureusement d'un grand classicisme dans sa démarche.
J'aurais de plus préféré la fin originelle mais jugée finalement trop pessimiste par le metteur en scène.
Cependant, les personnages sont assez intéressants, troublants et ont une psychologie plutôt bien construite. La distribution, changée après le désistement de Benedict Cumberbatch ("Sherlock") et Emma Stone ("Magic in the Moonlight"), est très bonne. Mia Wasikowska, Alice du film de Tim Burton, est dans ce long-métrage ici un subtil mélange de cette dernière et de Ofelia du chef d'œuvre de del Toro. Rêveuse et hantée par le passé, elle nous livre une très bonne prestation. Tom Hidleston et Jessica Chastain, qui renouent le genre gothique après "Only Lovers Left Alive" pour l'un et "Mama" pour l'autre, sont encore une fois excellents dans leurs rôles. Chacun nous offre une performance saisissante et parfois effrayante. Charlie Hunnam ("Sons of Anarchy") est quant à lui aussi convaincant malgré son protagoniste sous-exploité. Jim Beaver, Leslie Hope, Burn Gorman et Doug Jones font eux aussi partis du casting mais interprètent des personnes bien secondaires. Le manoir, figure importante sur l'emprise de tout ces hommes et femmes, est notamment un des personnages tant Guillermo del Toro l'offre en spectacle avec une photographie plus que ravissante et des mouvement de caméras parfaitement organisés.
Certaines séquences, sanguinolentes ou dramatiques, sont vraiment bien gérées, et arrivent même à créer une ambiance lourde et effrayante. La romance, qui est au cœur de ce conte gothique et horrifique, est abordée de façon prude et subtile. Mélange des genres comme le réalisateur sait les faire, "Crimson Peak" fait la juxtaposition du film romantique et dramatique avec l'épouvante et l'horreur. Certes l'effroi n'est pas présent car la mise en scène le désamorce mais les jumps scares bien que prévisibles sont relativement efficaces. Mais comme le dit si bien le personnage de Mia au début du film : "It's not a ghost story, it's a story with ghosts". Le design des fantômes est très bien conçu et est un mixte entre cadavre en décomposition et spectre voilé, rappelant sa production "Mama" en 2013. Le reste des maquillages et effets numériques est lui aussi bien construit.
L'atmosphère, l'ambiance très Victorienne grâce aux costumes et décors est d'une grande richesse et nous retient dans cette magique fable du réalisateur visionnaire. Il aborde comme toujours ses thématiques favorites que sont : la rédemption, le destin, les choix dans la vie et autres sujets symboliques de son univers créatif. Ces sujets très bien traités et retranscrits à l'écran sont à l'instar du "Labyrinthe de Pan" ou là aussi de "Mama" d'Andres Muschietti (qui se fait rappeler surtout par la présence de papillons dans le manoir) sont d'une grande justesse dans la mise en scène et direction artistique. Toute la dimension de cette œuvre tant au point de vue narratif que visuel se fait voir par les décors, la bande sonore (qui est au passage très bien orchestrée par Alejandro Velasquez) ou même rien que par l'argile rouge, présente principalement en tant que symbole du passé.
Certes pas le meilleur film de del Toro mais quand même très bon malgré son scénario, "Crimson Peak" est une œuvre onirique et fabuleusement mise en scène que je recommande.