Qu'est ce que j'aimerais adorer le film.. Qu'est ce que j'aimerais être fasciné par la maîtrise du sujet de Guillermo Del Toro. Mais pourtant, ce n'est pas vraiment le cas. La faute à des choses imparfaites qui traînent ci et là dans Crimson Peak, dernier projet du réalisateur visionnaire, qu'il considère d'ailleurs lui-même comme son meilleur film. Commençons par le début. Exercice de style certes savant mais laissant un goût d’inachevé, le film expose peut-être ici les limites du cinéaste au sein de la production américaine contemporaine, tout en étant une parenthèse plus que bienvenue dans un genre en chute libre. Le problème c'est qu'il y a deux genres dans Crimson Peak : l'histoire d'amour sous fond gothique, et des scènes d'horreur très réussies qui viennent s'ajouter à cette histoire. En plus de provoquer de temps à autre un déséquilibre dans la narration, l'horreur vient s'américaniser en ridicule jump scare qui revient d'ailleurs plusieurs fois, chose que Del toro n'a vraiment pas besoin de rajouter pour démontrer sa maîtrise parfaite du mal-être et de l'épouvante dans sa mise en scène. En parallèle, les grands archétypes suivis par les personnages du film finissent en fin de compte par trahir leur relative vacuité, alors que, paradoxalement, Guillermo del Toro les filme avec une passion indiscutable. Et dans un même temps, on ne peut être également que séduit, de prime abord, par l’efficacité de cette écriture dans la caractérisation de ses protagonistes. Mais dans l’élaboration de ces relations, quelque chose ne fonctionne jamais vraiment, jamais l’amour dont parle Del Toro ne nous paraît évident. Un certain mécanisme vient pomper toute l'empathie que l'on pourrait avoir pour les personnages. Pourtant ce ne sont pas les acteurs à remettre en cause, Tom Hiddleston et Jessica Chastain sont excellents, Mia Wasikowska est en revanche fade et répétitive, mais je pense que c'est plus le scénario qui vient donner cet effet. Le scénario, finalement, ne prend pas le temps de respirer, ne nous donne pas le temps de tomber amoureux de ses protagonistes. L’histoire livre çà et là une partie des éléments nécessaires, mais ne semble jamais vraiment les exploiter, les transcender. Comme pour ce manoir maudit, se noyant lentement dans l’argile, où l’intention visuelle se fait finalement au détriment d’une écriture davantage sensée. Mais attention cependant, malgré ses défauts qui sautent au visage, Crimson peak est un film magnifique autant dans son esthétique et dans son atmosphère. Ce jeu de teintes saturées et de textures dégoulinantes d’un habitat en vie, ou sur la représentation du fantastique est un pur bonheur. Car évidemment, c’est aussi un film où les créatures de l’au-delà sont les réelles stars, et où, comme dans tout film de Guillermo del Toro, il existe une fascination authentique pour les démons du passé. La constante virtuosité formelle y voit alors sa justification, comme s’il fallait faire la retranscription la plus exacte possible d’une rêverie cauchemardesque. Bref, visuellement magnifique, Crimson Peak est un film aux défauts trop "américains" si l'on peut dire. On sort de la salle comme ayant vu quelque chose d'inachevé et dieu que c'est frustrant. Car on aimerait, comme Del Toro, être émerveillé après avoir vu autant de beauté à l'écran. Mais les erreurs citées plus hauts viennent plomber cette réalisation fantastique. Dommage..