Découvert quelques jours avant « 120 battements par minute » du même Robin Campillo, « Eastern Boys » est une vraie expérience de cinéma. Certains la trouveront sans doute déconcertante, ennuyeuse, je l'ai trouvé stimulante et assez belle. Partir de la prostitution masculine, continuer sur une longue scène
d'intrusion domestique
provoquant malaise et un réel suspense quant aux intentions précises (toutefois vite révélées) des « visiteurs » pour déboucher sur une histoire d'amour inattendue mais finalement assez crédible, je trouve ça franchement osé et même vraiment réussi. Le réalisateur utilise peu de mots, mais sait construire des scènes, des moments intimes sans jamais tomber dans le voyeurisme ou le douteux. C'est une histoire presque simple, racontée sans esbroufe, avec un grand sens de l'atmosphère (belle musique souvent planante) et beaucoup de précision, à l'image d'une photographie brillamment rendue ou de l'interprétation aussi sobre que juste d'Olivier Rabourdin et Kirill Emelyanov. Et quand le scénario bascule vers une forme de violence, cela reste au service des personnages, de leur évolution qu'on a pu observer au fil des minutes, toujours de façon inspirée, sans tomber dans l'outrance, notamment dans la représentation des immigrés ukrainiens, cohérents dans leur vision des choses et de la « famille ». Le sujet, son approche ne plaira pas à tout le monde, Campillo fait des choix parfois discutables, mais moi qui reproche si souvent aux films de privilégier au détriment de l'autre le fond ou la forme, « Eastern Boys » démontre que les deux peuvent cohabiter lorsque le talent comme la volonté sont au rendez-vous. Une réussite.