Vous savez quel est le plus grand drame de cette nouvelle adaptation de Batman sur grand écran ? C'est de trop vouloir se servir du prétexte de "film d'auteur" à rallonge pour trancher avec la "marvelisation" des films de super-héros sur ces dix dernières années, quitte à se tirer une balle dans le pied en terme d'expérience cinématographique de qualité pour le spectateur.
Avant de déballer tout ce que je pense de ce raté, je tiens à préciser quelques points peu essentiels mais qu'il faut tout de même souligner : les images sont belles, les costumes bien travaillés et la réalisation quoi qu'on en dise reste soignée : j'ai apprécié le travail de Matt Reeves de façon globale, notamment pour les effets visuels et de mise en scène. D'autre part, et je n'ai aucun, mais alors vraiment aucun reproche à faire aux acteurs, pas même Pattinson ou Zoë Kravitz. Je les ai tous trouvés droits dans leurs bottes avec un jeu juste bien que manquant de développement pour la plupart des personnages.
Voilà, fin de l'intermède positif. Revenons-en à nos moutons...
On pourrait croire que tout est parfait sur la forme vu les points énoncés ci-dessus, malheureusement non. Je dois dire que j'ai été particulièrement déçu par les scènes d'action proposées, sauf peut-être la course poursuite avec la Batmobile ou bien la scène d'intro du Batman dans le métro.
Le film jongle entre drame, suspens, action ou même horreur. C'était censé en faire sa force, et ça en devient éprouvant, voire ennuyeux pour nous. Je diviserais donc le long-métrage en trois parties. Une première presque digne des films de Nolan où l'on se laisse prendre par le scénario : il y a quelque chose de prenant et d'assez unique où le Batman travaille aux côtés des policiers pour l'avancée de l'enquête. On découvre aussi une part de vulnérabilité chez lui assez rarement présentée. Une deuxième partie extrêmement mal menée où le rythme se perd, que dis-je... n'existe même plus. Les scènes deviennent de plus en plus longues (ce sera d'ailleurs le cas dans la troisième partie aussi) et l'on passe 20 minutes par-ci par-là pour nous raconter des platitudes extrêmes (mention spéciale à la scène dans l'hôpital où des "vérités" sont abordées). Et enfin une troisième partie bien hollywoodienne (oui faut pas trop déconner non plus) où les rebondissements n'en finissent plus, sans oublier le côté grotesque des apparitions faussement héroïques, gros plans sur des visages ébahis ou dialogues futiles qui nous font encore plus sortir du film. Vous connaissez l'expression "C'est du tintin !" ? eh bien voilà vous avez votre résumé de la troisième partie !
Et maintenant que dire du fond ! Je commence par les personnages car ils sont tous plus inutiles les uns que les autres en dehors du Batman. Ce n'est pas en créant 4 ou 5 menaces potentielles en 3h de film que l'on crée davantage de suspens, au contraire ! Plus l'enquête progresse et plus on en perd le fil. En se voulant complexe sur le papier, elle en devient soporifique. Batman est un enquêteur, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour nous assiéger de faits, anecdotes et fausses pistes dans tous les sens pour "créer" dix minutes de film supplémentaires. Il y a une bonne demi-heure de trop. Et à vouloir créer 100 menaces différentes, aucune d'entre elle n'en devient réellement concrète, pas même celle du Riddler qui est pourtant joué par un acteur que j'affectionne tout particulièrement : Paul Dano (qui en passant en fait des caisses et perd de sa superbe pour jouer ce genre de rôle).
En bref, l'histoire proposée n'est vraiment pas à la hauteur. C'est comme si le film essayait d'éviter le spectacle de blockbuster classique au maximum en se servant d'une pseudo intrigue d'enquête complexe. Ce n'est pas ce que l'on attend d'un film sur la chauve-souris ! On veut voir un Batman complexe sur le plan dramatique du personnage, l'ambivalence de son action au quotidien dans les rues Gotham, tiraillé entre sa soif de vengeance et la volonté de faire justice, de protéger les plus vulnérables. La profondeur et la noirceur du film dont tout le monde a parlé n'est présente qu'en surface, au fond il n'y a rien, c'est le vide abyssal. Ce Batman est simplet ou juste une ombre des versions Burton et Nolan. Malgré une des meilleures introductions du Batman en début de film, le spectacle et le rythme ne sont pas au rendez-vous le reste du temps. On s'ennuie à mourir après la scène de course poursuite du pingouin ; les scènes se suivent et on se demande laquelle sera la dernière... "ah là ça pourrait se terminer !"... eh bien non ça repart ! C'est trop long. Point final.
"The Batman" est en fait un film qui tente de casser les codes mais pour les mauvaises raisons, et ça ne me plait pas du tout de devoir en arriver là pour justifier le retrait du suspens, du développement des personnages, de l'action et surtout du rythme ! C'est un peu comme si le réalisateur venait me vendre son film en disant "Eh mon gars tu vas voir j'ai beaucoup plus réfléchi que les autres pour mon scénar, j'ai mis 5 méchants potentiels dans l'enquête avec le vrai qui n'apparaît qu'à la fin pour 10 minutes, il pleut tout le temps, il fait tout le temps noir, j'ai limité au maximum les scènes d'action et le Batman reste le seul personnage développé dans l'intrigue". Je ne suis pas client.