Diane Kurys a souvent mis en scène l'histoire de sa famille, peu ou prou, depuis "Diabolo menthe" en 1977. Ce "Pour une femme" forme une sorte de diptyque avec le "Coup de foudre" de 1983, en racontant quelques mois de la vie de ses parents, Léna et Mordechai/Michel, en 1947, avant même sa naissance donc, ce qui le constitue en chaînon manquant pour un récit débutant en 1941 dans le camp de rétention de Rivesaltes où ils s'étaient connus et continuant jusqu'à leur séparation, dans sa petite enfance. Quand débute ce nouveau volet de la saga Korski, la réalisatrice vient de perdre sa mère et inventorie avec sa soeur aînée, Tania, les photos et autres souvenirs de jeunesse laissés par la défunte. Une photo et une chevalière, puis des lettres et un livre, vont la conduire à remonter le temps et à découvrir un secret qui va la bouleverser. La petite histoire (mais aux accents souvent puissamment romanesques), celle du couple Korski confronté au retour inopiné de Jean, le jeune frère de Michel, vient à s'inscrire dans l'Histoire tout court, avec principalement la chasse sanglante faite peu après la Libération aux anciens nazis, dont certains s'étaient placés sous la protection de l'Eglise en France, sur fond de mise en place de l'Etat d'Israël. La Léna de 2013 est la délicate Mélanie Thierry (remplaçant Isabelle Huppert, la Léna d'il y a 30 ans, en nettement plus fragile, et en plein "bovarysme"), et Benoît Magimel succède à Guy Marchand. Magimel surtout, que l'on retrouve aussi dans la partie "contemporaine" (en fait entre 1984 et 1990), déjà distribué en Musset par la cinéaste dans "Les Enfants du siècle" en 1999, est excellent. Nicolas Duvauchelle dans le rôle de Jean l'oncle mystérieux et tourmenté, mais aussi Clotilde Hesme (reprenant la partie de Madeleine, tenue en 1983 par Miou-Miou) et Denis Podalydès, le nouveau Raymond, son mari secrétaire de cellule en cocu vindicatif (succédant à Robin Renucci) complètent la distribution avec talent - sans oublier Sylvie Testud ("Sagan" en 2008) et Julie Ferrier, jouant Anne et Tania (celle-ci étant "Frédérique" dans "Diabolo menthe, et les 2 ados, "Weber", du nom de leur mère). Le spectateur se sent en familiarité avec les personnages, surtout quand il a suivi depuis l'origine les différents épisodes de cette chronique attachante (ce qui est mon cas, âge oblige), et se laisse emporter par le tourbillon des sentiments et des grands et petits bonheurs (et malheurs), bien raconté et mis en scène. Ce qui n'est déjà pas si mal !