Après le formidable "Fighter" et l’excellent "Hapiness Therapy", David O. Russell est devenu un des réalisateurs américains qui compte. Le réalisateur est même parvenu, en deux films, à supplanter Jason Reitman (qui s’est perdu ces dernières années) dans les productions auteuristes refusant l’austérité. Et c’est tout auréolé de ce nouveau statut que Russell nous livre son "American Bluff" qui devait être son chef d’œuvre, avec son casting en or massif (réunissant les acteurs de ses deux précédents films) et sa pluie de nominations en tout genre. Est-ce cette attente disproportionnée qui m’a déçu ? Difficile à dire mais, en toute objectivité, il me parait impossible d’être satisfait d’un film souffrant d’un tel défaut de storytelling. En effet, "American Bluff" nous raconte l’histoire (inspirée de faits réels) d’une arnaque montée par deux professionnels du genre sous la houlette du FBI pour faire tomber un maire véreux, soit un sujet à fort potentiel… dont le réalisateur semble se foutre totalement. Le scénario est, donc, un bordel sans nom, la mise en scène use et abuse d’ellipses, de flash-back et de séquences à rallonge ampoulées de dialogues dispensables. Et ne parlons pas du sens du rythme, qui est pourtant l’une des forces du réalisateur, et qui est ici très incertain et ampoulé par l’utilisation de la voix-off. Pas besoin d’être un grand cinéphile pour se rendre compte que l’intérêt de Russell s’est exclusivement porté sur ses acteurs et leur interprétation. Et, sur ce plan, il faut bien admettre que le spectateur est servi puisqu’on a droit à un festival capillaire et vestimentaire assez improbable mais, au final, plutôt amusant. Les interprétations des acteurs s’inscrivent parfaitement dans l’outrance de leur look, de sorte qu’on retrouve un Christian Bale toujours aussi intense en escroc pas si minable qu’il en a l’air, Bradley Cooper en hallucinant agent du FBI arriviste et sans scrupules (avec des bigoudis !), Jennifer Lawrence en épouse immature complétement incontrôlable, Jeremy Renner en maire altruiste (sans doute le rôle le moins intéressant du film). Mais c’est sans doute Amy Adams qui impressionne le plus avec ce rôle d’arnaqueuse amoureuse, constamment sur le fil, dont les tenues ne manqueront pas d’affoler le public. Russell a, également, fait le choix d’inverser l’échelle des valeurs en donnant le beau rôle aux arnaqueurs (ce qui est habituels au cinéma) ainsi qu’au maire corrompu (dont les actes sont justifiés par son amour pour ses concitoyens et sa ville) tout en ridiculisant le FBI… ce qui manque un peu de subtilité mais collent assez bien avec l’image très outrancière du film. Les personnages sont donc dans l’outrance la plus marquée… ce qui ne permet pas, malgré tout, de faire oublier la faiblesse du scénario. Car, en s’intéressant davantage aux problèmes personnels de ses personnages qu’à l’arnaque, Russell réussit à désintéresser le public de son intrigue. Résultat : on se surprend à se foutre complétement de la façon dont l’intrigue se finit. "American Bluff" est donc incontestablement moins réussi que ces deux prédécesseurs mais reste original dans son approche et peut compter sur ses acteurs. C’est déjà ça…