Leos Carax revient et disons le tout de suite, de très belle manière. Cela faisait maintenant treize ans que le cinéaste n'avait pas réalisé de long-métrage, faute de moyen. Tourné avec des caméras numériques pour réduire les coûts de production, Holy Motors s'arrête sur une journée vécue par Monsieur Oscar. Riche homme d'affaire, celui-ci se déguise en différents personnages pour aller à ses rendez-vous. Clochard, meurtrier, père de famille, sa limousine le fait voyager dans tout Paris pour qu'il remplisse ses missions. Mais qui est-il vraiment ?
Cette œuvre est un hommage au Cinéma avec un grand C. Tantôt comédie musicale, film muet, érotique, dramatique, social ou même d'animation, Holy Motors s'impose comme une grande mise en abîme dés la première image. Carax nous met face à notre propre condition de spectateur où la métaphore de l'écran qui serait le miroir de la réalité n'a jamais été aussi vraie.
Si le charme du septième art opère, c'est qu'il est composé d'artifices et de subterfuges. Lorsque Monsieur Oscar change d'identité, nous voyons ces supercheries (maquillage, perruque) car nous l'accompagnons dans sa loge.
Bourrée d'inventivités en tout genre (capteurs de mouvements, scène de meurtre, limousines), la mise en scène participe à la grande réussite de ce film. Composé de nombreux plans longs (l'entracte, magnifique), le récit arrive à tenir la cadence malgré des spectateurs qui quitteront rapidement la limousine, n'accrochant pas avec l'univers décalé du réalisateur.
L'acteur fidèle Denis Lavant (jouant presque dans tous les films de Carax) est le point central d'Holy Motors et signe une magnifique performance en ne jouant pas un mais bien onze rôles dans un même film ! Il y a ici un véritable jeu sur l'identité avec cette image de l'interprète aux personnalités multiples. Incarner des gens différents chaque jour l'épuise, tant pour le corps que pour l'esprit.
Enfin, le cinéaste nous parle de l'avancée technologique toujours plus rapide. Monsieur Oscar se plaint de ne plus voir les caméras qui le suivent. Mais alors, à quoi bon jouer ? « Pour la beauté du geste » mais aussi pour nous, le public, qui le faisons vivre à travers notre regard.