A croire que les juges étaient plutôt nombreux lors de la dernière édition du festival de Cannes. Et si la majorité des journalistes a reproché à Michael Haneke d’être le plus sévère d’entre eux, il ne me semble pas que cela soit véritablement le cas.
Depuis sa sortie, on nous décrivait Holy Motors comme étant un hommage au Cinéma. Et je ne crois pas être (encore !) assez prétentieux pour nier cette caractéristique, sans aucun doute véridique. Le problème, c’est qu’on nous décrivait également le film comme étant une œuvre pour cinéphiles. Et c’est là que les choses se compliquent.
Il est vrai qu’on aurait aimé, voire adoré, contempler le générique de fin, en se disant au fond de soi-même que le spectacle auquel on vient d’assister est d’ores et déjà un classique inné.
La morale du film est très simple, assez explicite même. En somme, y a-t-il encore des gens vivants dans notre monde capables de voir la beauté des choses en tant que telle.
On a alors la très fâcheuse impression que tout au long du film, le réalisateur, Leos Carax, juge son spectateur autant même qu’il se moque de lui. Selon lui, ne serait véritable cinéphile que celui capable de voir que son film est une œuvre d’art singulièrement magnifique. L’inquisiteur est là, prêt à nous dénoncer, même prêt à nous faire croire que nous n’aimons pas vraiment pas le cinéma, si jamais nous avions la regrettable tendance à ne pas porter ce film dans notre grande estime.
Ce qui demeure profondément détestable, c’est que Carax parvient à nous faire culpabiliser, au point même d’en éprouver, chez le cinéphile, une profonde tristesse. Une tristesse ne pas être reconnu en tant qu’amoureux du cinéma. Au fur et à mesure que le film avance, nous sont présentées de multiples références qu’une grande majorité ne comprendra pas, qu’une grande majorité ne relèvera même pas. Leos Carax se trouve derrière l’écran, sourire narquois aux lèvres donnant sa propre définition du cinéphile : individu glorifiant Holy Motors, comprenant tous les détails du film du début jusqu’à la fin.
Il y aura donc ceux qui considèrent le cinéma comme un divertissement ; qu’ils ne s’en approchent pas, ils le trouveront inutile et incompréhensible. Apparaitront ensuite les cinéphiles, qui loueront les mérites du film en le qualifiant de véritable chef-d’œuvre. Mais Carax semble avoir oublié une catégorie, les amoureux du cinéma qui n’ont pas apprécié Holy Motors. Car il y en a. C’est indéniable. Ne laissons le schéma conventionnel de la société nous obliger à aimer ce film. Le prétentieux juge Carax se trompe, par conséquent, amèrement. Je me permets donc de donner une nouvelle définition du passionné du cinéma – en ayant conscience qu’elle peut être sans doute fausse ! Est cinéphile celui qui demeurera troublé, en bien ou en mal, après le visionnage de ce film.
En fin de compte, le principal souci du film reste le manque d’accessibilité. Une chose est sûre, Carax savait à l’avance que son film serait un échec commercial, échec qui, par ailleurs, a dû renforcer encore plus sa méprise vis-à-vis du spectateur moyen. Mais sinon, soyons objectifs, certains passages sont agréables. La scène de l’Entracte est par exemple très bien réussie. LE moment grandiose d’Holy Motors. Mais le seul, malheureusement.
Pour finir, le comble du ridicule, selon moi, se trouve tout de même dans la scène où l’on voit Denis Lavant, ayant une érection. Il est concrètement, impossible de faire une scène encore plus inutile que cette dernière. Ou alors, disons simplement qu’elle n’aura que pour fonction de rassurer les pré-pubères quant à la nature de leurs érections. Qu’ils ne s’en faillent pas, celle du film est parfaitement normale.