Un film lent, languide, languissant. Jim Jarmusch a trouvé l’écrin idéal pour recycler son univers arty de post-punk : Ses vampires sont beaux, cultivés, ils écoutent de la chouette musique. Ils s’appellent Adam et Eve. Le monde est ce musée délabré où ils sortent parfois la nuit chercher les échos de leurs chers disparus. Tom Hiddleston (oui, oui, le Loki des "Avengers" et "Thor" !) dessine un troublant Adam. Alceste en fait, vampire fatigué des hommes (qu’il appelle les zombies), doutant de l’intérêt de continuer à traverser des siècles semés de tant de déceptions. Avec son amoureuse, pourtant, il persiste à lire tous les livres. Ils ne cessent d’évoquer la mémoire des génies trahis de la science (Copernic, Galilée, Darwin, Tesla…). Mais curieusement, alors qu’ils ont connu Monteverdi, Bach, Mozart et Schubert, ils n’écoutent que la discothèque de Jarmusch. C’est un peu la limite du film, un rien figé dans ses postures. C’est très beau, mais assez vain aussi : les dialogues miment l’érudition et sont parfois aussi creux, aussi prétentieux que ceux de "Cartel", le dernier et fatal Ridley Scott. Si le film s’ouvre magnifiquement, et s’achève de même, on navigue entre les deux au gré de l’inspiration du cinéaste et de sa mise-en-scène lascive. Alternent des visions vraiment saisissantes et des idées plus dispensables (le sang contaminé viendra évidemment de l’hopital de Tanger, il faut se méfier de ces hôpitaux-là !). Et cette scie, lassante à force, qui parcourt tout le film, comme quoi c'était mieux avant !!! A voir néanmoins pour Tilda Swinson, à voir absolument pour elle, qui efface littéralement tous les personnages de vampire incarnés jusqu’ici. Sorte de vieille infante douée d’enviables pouvoirs (précognition, mémoire tactile), elle promène à travers les siècles sa beauté éternelle et son irrésistible mélancolie.